DOSSIC , TRANSIC , STADIC , TURZIC , LASSIC , CARPIC , TALIC et COMTIC . En début du catalogue, édité au moment du passage des anciens aux nouveaux francs, il est expliqué que les prix sont encore données en francs anciens. Pour les Nouveaux Francs: lire les chiffres gras pour les francs et les chiffres maigres pour les centimes. Le choix proposé est vraiment large, la gamme Jaz avait vraiment de quoi satisfaire tous les goûts et besoins.
Ce petit catalogue de 16 pages correspond à une pratique courante des années 60 consistant pour les bijouteries horlogeries joailleries orfèvreries de bon standing à éditer un florilège de leurs ventes comprenant une ou plusieurs pages pour les montres femmes et hommes, idem pour les couverts, les bijoux, etc. La page des horloges murales et carillons est souvent attribuée à Vedette et celle des réveils et pendulettes à Jaz. Il est à rapprocher du catalogue de la Flèche d’Or de 1962.
Il est intéressant de constater que la TALIC de Jaz est un peu moins cher que la Vedette 7/468 à pile, tout a fait similaire: la trotteuse en moins! Jaz proposait à la même date deux horloges suspendues à un cordon, les TRINIC et PENDIC, très semblable à la Vedette 7/389.
Le choix dans ce type de catalogue porte souvent sur LIP pour les montres de prestige.
Nous avons pris l’habitude de ce couplage professionnel entre horlogerie et bijouterie, même s’il s’agit de deux métiers très spécifiques et bien distincts, au point qu’il convient parfois de se poser la question si votre commerçant est plus horloger que bijoutier ou inversement. De nos jours, il convient de s’assurer qu’il n’est pas un simple revendeur et changeur de piles de montres qui envoie ses réparations dans un atelier extérieur.
En fait de duos, il s’agissait souvent d’un triptyque qui s’égrainait dans ce sens: Horlogerie Bijouterie Joaillerie, que rejoignait souvent l’Orfèvrerie, jusqu’à ce que les Arts de la Table disparaissent des préoccupations et du goût des Français.De ce trio d’inséparables, Jaz a tiré le nom de son entrée de gamme composée de quelques réveils et pendules basiques: HorBiJo composé de l’acronyme d’Horloger Bijoutier Joaillier.Cette diversification professionnelle est si ancienne, et de loin la plus fréquente, que l’on a tendance à les rendre inséparables et dire horloger-bijoutier comme on dit boulanger-pâtissier, toutefois elle n’est pas la seule diversification possible et cet article va vous montrer qu’il y en a eu d’étranges, voire d’absolument incongrues .
LA PHOTOGRAPHIE
La photographie est une des plus anciennes diversifications des horlogers, pour la simple et bonne raison que son invention et surtout sa vulgarisation commerciale est très antérieures aux autres produits qu’ils diffuseront ultérieurement, comme les phonos ou les vélos. Les horlogers ont toujours fait preuve d’une opportunité de bon aloi en fonction du progrès industriel et des opportunités commerciales pour augmenter leur chiffre d’affaires.
Au temps desportraits carte-de-visite ou portrait-carte, soit vers 1860/1880, certains horlogers cumulaient les deux professions pourtant techniquement bien éloignées.Plus rares sont les horlogers qui ont maintenu cette activité complémentaire au XX° siècle.
Quand on évoque un horloger photographe, les érudits pensent immédiatement au célèbre horloger toulousain, du 63 de la rue de la Pomme, Georges Ancely 1847+1919, au centre sur la photo, dont l’immense fond photographique est un témoignage incontournable de la fin du XIX° en Occitanie mais il ne rentre pas dans notre catégorie. La fortune professionnelle de cette famille d’horlogers et de châtelains, le tenait à l’écart de tout besoin de polyvalence et la photographie était pour lui un art, pas du tout un métier.
Arliaud réalisait des photos, en plus de ses autres activités, mais c’est un des rares horlogers à déclarer vendre des appareils photos et des sonnettes électriques.
La taille disproportionnée des enseignes pour les pellicules photographiques Kodak’s ou Lumière rendent un peu ridicule la petite plaque émaillé Jaz première version vers 1925.
Si les horlogers abandonnent rapidement l’activité de photographe, ils seront nombreux à vendre des pellicules photos que l’on trouvait par ailleurs dans bien d’autres commerces, surtout en zones touristiques. Pour celui-ci, il n’est pas évident de deviner de loin qu’il est aussi horloger, tant les publicités de pellicules sont envahissantes
OPTIQUE LUNETTERIE
Si cette diversification vers l’optique a disparu de nos jours, elle a été très courante à la fin XIX°début XX°, et semble assez naturelle comme à Morez, la ville jurassienne des clous, des horloges et des lunettes, dont le célèbre opticien Henri Lissac restera maire de 1908 à 1931. Rappelons que Lissac, avant d’opter pour l’optique, était lui-même horloger.
La maison « à la rose d’or », d’Ermont en Seine et Oise, affiche clairement son activité d’optique, dont on peut se demander s’il s’agit d’une activité principale ou secondaire en rapport avec son grand œil dans la vitrine et l’inscription blanche sur la vitre. La plaque émaillée Jaz atteste qu’on est vers 1925, période à laquelle les opticiens commencent à prendre leur indépendance, comme LISSAC, maison fondée comme Jaz en 1919, et monteront en puissance pour diffuser les lunettes de Morez qui est la patrie des montures en métal, tandis qu’Oyonnax sera la grand spécialiste des lunettes en plastique.
Cette photographie n’est pas très démonstrative en matière de cycles, ou de lunetterie, en revanche sa qualité est telle qu’elle permet les agrandissements, ci-après, qui montrent comme rarement les détails d’un commerce d’horlogerie du début du XX° siècle.Thermomètres suspendus et cartes postales de la commune: Bouzy près d’EpernayGros réveils à cloches au sommet et goussets à profusion: aucune montre bracelet.
Les exemples d’horlogers qui adoptent l’optique sont légions, notre article sur le fameux John BULL , horloger à Bedford , démontre qu’outre manche cette option semblait également monnaie courante
Cette boutique dans la ville wallonne d’Eupen, une des rares communes germanophones de Belgique justifiant ces enseignes bilingues, est probablement un des derniers commerces à cumuler les deux activités d’opticien et d’horloger.
CYCLES
Si cette horlogerie bijouterie de Jugon les Lacs, également lunetterie comme en témoignent ces binocles en enseigne, aligne une belle file de vélos, il ne s’agit pas des véhicules de sa clientèle mais de cycles à vendre. Le monde de l’horlogerie n’est pas si étranger à celui des cycles puisqu’on retrouve des horlogers à plusieurs étapes de leur invention. En 1834, l’horloger Julien-Benjamin Roussel est le premier à vouloir faire mouvoir un vélocipède à l’aide d’une transmission par chaîne sans fin. Il en dépose le brevet le 8 avril 1835 sous le titre de « voiture marchant par le moyen d’une mécanique mue à bras d’hommes ». Sans doute beaucoup trop lourd pour être utilisé sur route, mais l’idée est là et il reste le premier véhicule à transmission par chaîne jamais construit.
André GUILMET, 1827+1892, l’horloger réputé pour ses extravagantes et prestigieuses pendules « industrielles » figurant des phares, des bateaux, des phares, des sous-marins, des marteaux-pilons de forges, des casques de plongée, des machines à vapeur, etc, était également mécanicien.
Bicyclette dite de Meyer-Guilmet par André Guilmet et Eugène Meyer. Cycle à transmission par chaîne.
Guilmet fit construire un vélocipède dont les pédales situées dans la position centrale, était en liaison avec une chaîne qui transmettait le mouvement à la roue arrière comme nos vélos contemporains.
Pour autant, si les horlogers se font marchands de cycles, c’est qu’ils sont habiles de leurs mains et capables de réparer les pannes et assurer les réglages les plus courants mais surtout parce que ce moyen de locomotion est nouveau au début du XX° siècle. Clément et Cie devient le plus important constructeur de cycles en France en 1886; Les bicyclettes commencent à être produites en grande quantité, sont désormais fabriquées de manière industrielle et mécanisée et deviennent accessibles aux couches populaires qui peuvent s’en procurer sans trop d’efforts; la Manufacture des Armes et Cycles de Saint Etienne, futur Manufrance , tient avec ses Hirondelles une place prépondérante dans la diffusion des vélos par le truchement des premières ventes par correspondance.
Néanmoins, les ventes de vélos sont si importantes que cela laisse une bonne place aux horlogers, même ceux qui n’ont guère de place pour stocker. Reconnaissons que la présence à la vente de vélos chez un horloger bijoutier paraîtrait de nos jours pour le moins déplacée et ridicule.
Les crevaisons étaient alors monnaie courante en raison de l’état précaire des routes et des clous de fer à cheval ou de sabots en bois ferrés qui jonchaient les voies. Dans ce cas l’horloger assumait un service de proximité que la Manufacture de Saint Etienne ne pouvait assurer. Probablement les horlogers vendaient ils plus de pneus que de vélos et assuraient ils beaucoup de réparations. D’ailleurs ce qui amène son immense fortune au constructeur Adolphe Clément- Bayard, serrurier de formation, ce ne sont pas les cycles, même s’il dépasse le chiffres d’affaires de Peugeot en 1890, c’est la licence Dunlop. Au bord de la Meuse, à Mézières, il construit la superbe et fameuse usine dénommée La Macérienne qui produit des pièces détachées pour ces cycles et fait face à une statue du Chevalier Bayard, libérateur de la ville. Devenu constructeur automobile, il obtient d’accoler ce prestigieux patronyme au sien qu’il apposera fièrement sur ses voitures et ses dirigeables mais rien n’aurait été possible sans les pneus, consommables qui lui apporteront, comme aux horlogers, des revenus constants.
On notera les pavés qui permettent de tenir la pose à une période où les temps de pause des plaques photographiques étaient importants. Cet horloger bijoutier avec sa belle plaque émaillée Jaz, malgré l’étroitesse de sa boutique, vendait également des cycles et des machines à coudre faisant cohabiter Jaz Classic et phares automobiles à acétylène.
MACHINES À COUDRE
La fabrication des machines à coudre françaises était déjà florissante sous le Second Empire avec des marques comme Peugeot, Hurtu, Journaux Leblond, Reimann, etc.
Néanmoins, le début XX° voit l’avènement de l’usine Singer de Clydebank construite en Ecosse, la plus importante usine de machines à coudre au monde. La marque vend alors plus d’un million de machines dans le monde en 1903. La tour Singer de New York était en 1906 le plus grand building du monde donnant une idée de l’importance de ce marché qui était donc à saisir pour les horlogers.
La carte postale montre deux machines à coudre sur le trottoir; il est probable qu’il s’agisse d’une mise en scène publicitaire organisée par le photographe puisque les intempéries sont incompatibles avec la fragilité des boiseries des machines.New-Home était une fameuse marque américaine de machine à coudre.Cette affiche présente pour nous un double intérêt; celui d’être amusante mais surtout elle précise clairement dans la dernière ligne du bas que les marchands de machines à coudre souhaitaient être distribués par des horlogers bijoutiers.On trouve encore quatre machines sur le trottoir, et autant de vélos, probablement pour gagner de la place et attirer le chaland.Encore le tandem machines à coudre et vélos auquel s’ajoutent la literie et la chapellerie.
PHONOGRAPHES
Boutique Debray-Parmentier à Amiens: deux enseignes montres Oméga, une enseigne lumineuse LIP, deux panneaux LIP contre la façade, deux petites pancartes LIP, Phono Pathé peint sur la façade, etc, etc… Quand trop de publicité tue la publicité.
Beaucoup plus que le vélo, l’invention du phonographe doit énormément à un horloger, Henri LIORET à qui nous consacrerons prochainement un article. Horloger et fils d’horloger morétain, il est paradoxalement moins connu que les deux Charles, Cros et Pathé, bien qu’il occupe une place prépondérante dans l’essor du phonographe à la fin du XIX°. Issu de l’Ecole d’Horlogerie de Besançon, il est l’inventeur, entre autres, des cylindres en celluloïd pour phonographe qu’il développe à l’origine pour faire parler les fameuses poupées Jumeau; Toutefois il appliquera aussi ses talents dans son domaine d’origine, où il réussit avec brio puisqu’en 1890 son atelier d’horlogerie de la rue de Turbigo emploie une soixantaine de collaborateurs.
En 1878, un autre horloger, nommé Hardy, a lui aussi contribué à améliorer les phonographes en les dotant d’un mouvement mécanique qui rendaient égaux les mouvements de répétitions et de réception afin que le phono chante juste.
Derrière notre horloger ce ne sont pas des réveils ronds qui tapissent son stand de foire mais des cylindres pour phonographes.On notera qu’il ne vend que des phonos mais se revendique ouvertement comme horloger.Sa veuve cumulera, elle aussi, les activités les plus diverses, où les phonos gardent une belle place.
RADIO TSF
Avec la TSF, nous constatons encore un exemple d’adaptation des horlogers aux progrès techniques, puisque certains d’entre eux vont accompagner l’évolution de cette technologie depuis le temps où cet acronyme ne signifiaient encore que Télégraphie Sans Fil jusqu’à celui de Transmission Sans Fil. Il faut effectivement distinguer la diffusion qui permet à un émetteur d’être capté simultanément par l’ensemble des récepteurs existant à l’intérieur d’une certaine zone de la liaison dit point à point, du type du téléphone, où chaque usager peut devenir, à sa guise émetteur ou récepteur. Cette dernière a précédé la radio diffusion, si bien que l’on trouve quelques rares photographies d’horlogers affichant les trois lettres TSF, alors que les émissions radio diffusées n’existaient pas encore: il s’agissait alors de Télégraphie Sans Fil puis de Téléphonie Sans Fil avant d’aboutir à la Transmission Sans Fil.
Autre exemple de lien entre la TSF et l’horlogerie; cette superbe horloge lumineuse Oméga que la prestigieuse Maison Kirby Beard & Cie a édifié face à sa boutique du 5 rue Auber. D’une hauteur de 3,80 mètres, éclairées de 820 ampoules, sa précision est contrôlée toutes les demi-minutes par liaison TSF.
Tout comme le phonographe, la TSF doit beaucoup à un horloger: Abel GODY qui s’installe à Amboise en 1912. Passionné de Transmission Sans Fil, il crée ses premiers postes dans son arrière boutique, tout seul, comme d’autres passionnés de cette époque qui bricolaient des appareils avec bobines et lampes apparentes. Outre ses propres avancées technologiques, Gody marque sa différence en créant des boîtes en belle ébénisterie pour habiller les postes, ce qui commence à lui assurer un certain succès local, brutalement interrompu par la Première Guerre. Mais il peut mettre sa mobilisation à profit puisqu’il est intégré au Génie Militaire, comme la Tour Eiffel qui est sauvé de sa démolition programmée par son utilisation comme antenne de TSF pour l’armée. Au retour de la guerre, il fonde ses usines à Amboise pour vendre ses TSF « habillées » de la bourgeoisie aux maisons royales et connaître un succès mondial bien loin de sa petite échoppe d’horloger bijoutier.
MIROITERIE GLACES
La vente de glaces est une des diversifications qui nous a étonné au cours de notre enquête et pour laquelle nous n’avons pas d’explication rationnelle, si ce n’est le passage à partir du milieu du XIX° du miroir à la feuille d’étain et au mercure aux miroirs argentés en verre. Ce processus d’argenture permit la fabrication en masse des miroirs et rendit leurs prix abordables.Nous avons trouvé plusieurs horlogers qui se sont transformés en miroitiers.
ARMES ET MUNITIONS
Les exemples de cette activité annexe sont peu nombreux, pourtant les bijoutiers seront, hélas, plus tard amenés à s’armer pour leur propre défense. Néanmoins il semble qu’il y a eu une certaine porosité entre les deux métiers en raison de leur technicité mécanique commune, ainsi le père du célèbre miniaturiste Jean Henri Benner était armurier horloger à Mulhouse au XIX° .
En fin la TSF a été une source de revenus complémentaires pour bien des horlogers
DIVERSIFICATIONS HORS NORMES
Rien de véritablement étrange dans la diversification, qui ressemble à de la dispersion , du Grand Bazar Cabanel, qui porte bien son nom, si ce n’est son aspect tous azimuts puisqu’outre le classique assemblage de l’horlogerie de la bijouterie et de l’orfèvrerie, on ajoute les contrats d’assurances, la mercerie, les jouets et les chaussures, la vaisselle, les parapluies, les couronnes mortuaires en perles de verre, les landaus, les bagages et enfin les cartes postales: ces dernières sont une des grandes nouveautés du début du siècle précédent et vivront un âge d’or jusqu’en 1918.
Les petits éditeurs de cartes postales seront souvent des horlogers qui, déjà à la fin du XIX°, étaient parfois photographes comme nous l’avons vu plus haut.
Au début du XIX°, les dents de Waterloo étaient l’usage en matière de prothèses. Issues des soldats morts sur le champ de bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, les dents étaient arrachées, commercialisées et utilisées pour la fabrication de dentiers connus sous le nom de « Waterloo teeth ».
Les dents humaines ont été utilisées jusqu’en 1860, et ne seront remplacées qu’ultérieurement par des dents en porcelaine, puis par l’ébonite mais en parallèle l’or dentaire reste très répandu et celui-ci était travaillé par les orfèvres joailliers ce qui explique cette diversification « naturelle ».
Assurément une deuxième activité pour le moment inhabituelle pour un horloger que celle de tenancier de débit de boissons. D’autant que nous savons par son acte de mariage que Jean Baptiste Erouart lorsqu’il épouse Euphrasie Renaud, ménagère de profession, se déclare, alors qu’il n’a que 22 ans, comme horloger et fils de Henri Erouart, lui-même déjà horloger. Nous avions l’exemple de Bousquet l’Horloger de Roubaix qui offrait un café à ses clients et l’affichait en façade mais en faire un deuxième métier est une toute autre paire de manches .
Aussi étrange que cela paraisse Erouart n’est pas le seul horloger cafetier comme la maison Berthaux , à La Gacilly dans le Morbihan, même si les deux activités sont nettement séparées, son Café du Commerce ceinturant son horlogerie qui commercialisait cycles, machines à coudre et armes, comme tant d’autres. Dans les Côtes du Nord à Collinée, ses deux fenêtres flanquées de volets font office de vitrines côté rue.côté cour, on trouve une vitrine plus classiquePlus tard celui-ci fait refaire sa façade afin de mieux afficher ses activités qui comprennent un café et la vente d’huiles moteurs. Il n’est pas certain que l’Horlogerie Bijouterie Mollé a longtemps cohabité avec le Café des Sports , il semble que celui-ci l’a finalement remplacé.Vesoul rue Carnot, à gauche cohabitation très inusitée entre un salon de coiffure et une horlogerie alors qu’un autre coiffeur occupe le trottoir d’en face.Il apparaît nettement sur cette carte postale que le nom, et même le prénom, sont les mêmes sur la vitrine de l’horloger et du coiffeur, sans que l’on puisse imaginer aisément le passage d’une profession à l’autre.
ÉVOLUTION DES COMMERCES D’HORLOGERIE
La maison Valliot-Giraudel, J. Mas gendre ne comportait à l’origine qu’une vitrine et faisait l’optique en plus de l’horlogerie.Lorsque la boutique triple de volume, on conserve l’optique et l’on ajoute baromètres et statues dans les vitrines; il est évident que la taille des boutiques influent sur le type d’activités.
Les premiers horlogers, réparateurs /revendeurs, apparaissent lors de l’industrialisation de l’horlogerie et la diffusion de masses des carillons puis des réveils, soit à la charnière du XIX° et du XX°, occupant souvent de petites boutiques, voire toutes petites.Une porte vitrée et deux étroites vitrines sont la configuration la plus courante des horlogers.La vitrine est parfois à peine plus large que la porte.
Cette toute petite boutique, aux vitrines plus étroites que la porte, nous offre un petit clin d’oeil parce que sa propriétaire se nomme Gaultier et arbore une coupe de cheveux à la garçonne si chère au vibrionnant couturier Jean-Paul Gaultier, lequel ne renierait peut être pas ses étranges chaussures, disons baroques.
La vitrine de droite contient des réveils dont au moins sept sont coiffés de surmontoirs Jaz. Sa coupe de cheveux, popularisée à la fin des années 1920 par Louise Brooks dans le film Loulou, est tout à fait contemporaine de la mode des cavaliers à accrocher sur les bélières des réveils.
Le personnel se résume souvent au seul patron horloger.A Saint Pourçain l’horloger Durin n’a même pas de vitrine.L’horloger Péraud à Blois lui ne dispose même pas d’un pas de porte, puisqu’il est à l’étage, et que visiblement il a fortement intérêt à y rester, au moins en octobre 1907.
La profession de réparateur en horlogerie peut se contenter d’un espace extrêmement restreint pour s’exercer. La mobilité de ces micro-commerces permettait de suivre les foires très fréquentées à l’époque, le commerçant pouvaient même effectuer quelques petites ventes d’horlogerie.
Quel contraste avec le 12 boulevard des Capucines, en lieu et place du magasin Old England où votre serviteur allait acheter ses gants en pécari dans sa jeunesse lointaine. Bucherer propose à Paris la plus exceptionnelle vitrine horlogère du monde sur trois étages, couvrant 2200 m2 d’exposition avec 23 marques de montres, quelques pendules et de rares réveils. Bucherer offre à cette adresse le plus vaste choix au monde de montres Rolex avec plus de 1300 modèles disponibles.
Jusqu’à présent le record, reconnu au Guinness World Records Book , était détenu par le superstore horloger de Tourneau sur la 57° rue à New-York et ses 1400 m2 de surface.Record battu par Tourneau lui-même en 2005, avec l’ouverture du Tourneau Time Dome de Las Vegas et ses 1 580 m2, record que Bucherer vient donc d’atomiser à Paris avec les 2200 m2. Toutefois la compétition n’a plus de sens puisque Bucherer a racheté Tourneau en 2018 mais on y trouve ni cycles, ni vélos, ni machines à coudre.
Bijouterie Horlogerie De Witte, photo prise en 1981, Petite Rue au Beurre à Bruxelles, numéros 13/15 et 17. Les publicités en façade se partagent entre PONTIAC pour les montres et JAZ pour les réveils et les horloges.L’enseigne lumineuse Jaz, arbore le slogan Le réveil précis en néon.De jour, le slogan Le réveil précis est peu lisible De nuit l’enseigne est éblouissante et surmonte un rideau de fer peint aux couleurs de Jaz; Nous ne connaissons pas d’autres exemples de ce type de support publicitaire pour la marque Jaz, vous noterez qu’un Manneken-Pis orne le panneau pour Pontiac.De Witte occupait les deux côtés de la Petite Rue au Beurre assurant une belle visibilité pour Jaz en plein centre du Bruxelles historique et touristique.Photo extraite du site de la Maison de Witte qui prospère encore de nos jours. Fondée en 1932 par Paul De Witte, elle est une des plus anciennes et une des rares horlogeries indépendantes bruxelloises ainsi qu’une véritable institution locale, en raison entre autres , de ses multiples boutiques dans la capitale belge. La maison De Witte démarre rue de l’Eglise à Shaerbeek, puis passe à Forest rue des Alliés avant de gagner Bruxelles. En 1958 lors de l’Exposition Universelle, où Jaz recevra une médaille d’or, Nicole de Witte rejoint son père dont l’entreprise sera dirigée pour les trois générations suivantes par des femmes. De Witte fait sa publicité et celle de Pontiac, grâce à ces maillots jaunes dont la Belgique regorge. Ils organisent ensemble un Rallye Pontiac dans les rues de Bruxelles et des jeux-concours dans les revues du Benelux dont les bulletins de participations remplissent des dizaines de sacs postaux.Photo extraite du site de la Maison de Witte : à droite Monsieur Paul de Witte; à gauche et en bas: la deuxième boutique de l’autre côté du bout de la Petite Rue au Beurre avec ses horlogers réparateurs à leurs bureaux accolés aux grandes baies vitrées. Ces ouvriers assuraient également la création ou transformation de bijoux et la gravure des montres et bijoux. Cette dernière activité reste de nos jours une spécialité de la maison qui fournit aux grandes administrations belges des montres personnalisées en guise de cadeaux officiels. Pontiac, dont on voit la grande horloge publicitaire à l’étage, est une marque suisse de montres, dont nous résumons l’histoire en fin d’article.Photo extraite du site de la Maison De Witte: toujours très au fait en matière de communication, le bijoutier assurait de nombreuses animations devant ses boutiques.Acculée à l’Eglise Saint Nicolas, il existait depuis le XIX° siècle un horloger bijoutier à l’emplacement qu’occupera De Witte qui consistait en une boutique informe, juste en rez de chaussée sans étage.L’horloger Diericx est le premier occupant du nouveau bâtiment d’angle de style baroque, même si le terme nouveau est peu approprié pour une construction datant du début du XVIII° siècle.Cette Petite Rue au Beurre, qui donne dans la rue au Beurre laquelle aboutit directement sur Grand Place , sera toujours la rue des horlogers bijoutiers , on remarque la boutique Mornard avec sa grande enseigne Lip . De Witte finira par annexer cette petite boutique à sa gauche mais on aperçoit une horloge publique qui fait office d’enseigne d’un autre horloger . Enfin l’autre côté de la rue comprenait d’autres horlogeries, dont l’angle de rue occupé par les ateliers-boutique De Witte .une horloge Oméga remplacera celle de Pontiac Dans les cartouches à fonds bleus, visibles en façade, on peut lire DE GOUDE HUYVE qui donne son nom à cette maison classée Monument Historique. Dès le Moyen Âge, la domonymie était une tradition, à Bruxelles comme dans de nombreuses villes européennes, qui consistait à donner un nom servant à identifier une maison. Celle-ci avait été initialement construite rue de l’Étuve, juste après le bombardement de Bruxelles pendant 48 heures d’affilée par les troupes françaises de Louis XIV en 1695, qui obligera à reconstruire quasiment entièrement Bruxelles.
Il est impossible de narrer, même brièvement , dans cet article, la guerre de la Ligue d’Augsbourg qui dure neuf ans et comprend de complexes rebondissements, joyeusement oubliés des cours d’histoire dans l’enseignement secondaire en France. Ce que nous appelons le Grand Siècle est vu comme un siècle noir dans les Pays Bas méridionaux. Vous comprendrez que les Belges en ont un souvenir beaucoup plus vif, cuisant même. L’adjectif me semble approprié pour le bombardement de Bruxelles qui se solde par le pilonnage, l’incendie et la destruction totale du tiers de la ville, dont Grand-Place. Injustifiable en ce que la querelle ne concernait pas Bruxelles mais le roi d’Angleterre, inutile d’un point de vue militaire, puisque n’ayant pas servi à détourner les troupes alliées de la citadelle de Namur comme prévu, le bombardement de Bruxelles contribuera à faire pâlir en Europe le soleil du Roi éponyme. Napoléon Ier jugera, un siècle plus tard, cette action « aussi barbare qu’inutile ». Mais la critique la plus acerbe envers le Maréchal de Villeroy, qui menait les troupes françaises, vient de Manneken-Pis en personne – apparu en 1620, il avait déjà 75 ans de présence – qui se moque de la rage de Louis XIV et se plaint que ce bombardement lui ait enlevé l’envie de pisser: si je voyais brancher Villeroy à quelque arbre, j’en rirais tant que j’en pisserais de nouveau.
La façade de cette petite maison se trouvait rue de l’Étuve jusqu’en 1929. Elle fut démontée et reconstruite contre l’église Saint-Nicolas.
Une voûte de l’Eglise Saint Nicolas, sur laquelle s’adosse l’horlogerie De Witt, conserve un boulet français, enchâssé depuis 1695 dans une voûte, comme une douloureuse carie dans le beau sourire que les Belges nous consentent quand ils nous accueillent, tout de même si chaleureusement.
En conséquence De Witte occupait de ce côté de la Petite Rue au Beurre, deux boutiques contiguës dans des bâtiments distincts, si bien qu’au fil des années et des configuration des aménagements, la maison aura une seule voire deux entrées distinctes. Les temps ont changés, le goût est à l’épure et les publicités ostentatoires et lumineuses des marques de montres et de réveils ont disparues.
Plan de Bruxelles positionnant la Bijouterie De Witte par rapport à la Bourse à gauche ; au centre droit on trouve Grand Place , la place centrale de Bruxelles mondialement célèbre, et tout en bas la fontaine du Manneken Pis.
PONTIAC
Les liens entre Pontiac et Paul De Witte étaient si forts que l’on peut retrouver son nom au cadran des montres Pontiac ; notre article permettra peut être d’éclairer quelques vendeurs intrigués ou ignorants de l’existence de cette maison
Pontiac est une marque d’horlogerie qui a connu un succès particulier chez nos voisins d’outre-Quiévrain, parce que son importateur, le néerlandais Ali Kinsbergen, était propriétaire de la marque en Belgique et aux Pays Bas si bien. Elle a été ressentie comme une marque locale puisque le siège social était à Bruxelles . Néanmoins et contrairement à certaines affirmations, il n’y eut jamais de fabrication de Pontiac à Gand ni en tout autre endroit en Belgique, tout était fabriqué et assemblé en Suisse . Le champion Wim Van Est, premier néerlandais à porter le maillot jaune, a vu sa renommée s’accroitre selon une courbe inversement proportionnelle à sa chute vertigineuse lors du Tour 1951, surtout grâce au marketing de circonstance de l’horloger. Effectivement Pontiac, qui avait parrainé l’équipe néerlandaise, a lancé une campagne publicitaire en ces termes au nom du champion cycliste et si résistant « Je suis tombé soixante-dix mètres de haut , mon cœur s’est arrêté, mais ma Pontiac fonctionnait encore ». Une plaque a ensuite été dévoilée sur le site de la chute en 2001 par Wim Van Est devenu septuagénaire.
Cette chute répond étonnement à un défi organisé dans le but de prouver la solidité de la marque Pontiac, seize ans plus tôt. En 1935 Ali Kinsbergen en personne avait jeté une montre Pontiac depuis le toit du « Boerentoren » à Anvers le plus haut building de Belgique – en haut à gauche – , devant des dizaines de journalistes et huissiers de justice. Après l’avoir récupéré cent mètres plus bas, elle s’avère bel et bien intacte et en état de marche. Impressionnant quand on songe que l’incabloc n’existait pas encore . C’est ce qui s’appelle lancer une marque puisque l’événement fait énormément de bruit à l’époque et assure un véritable succès pour la marque. Le slogan « PONTIAC TIC TAC » a été présenté lors de l’ouverture de l’exposition universelle EXPO 58 à Bruxelles où Pontiac décide de prouver la solidité de la marque PONTIAC, par un nouveau lancé de montres: deux montres PONTIAC ont été lancées du haut de la plus haute boule de l’Atomium à Bruxelles, soit 102 mètres de haut. Après l’impact de celles-ci sur le sol, elles étaient encore toutes les deux en état de marche. Visiblement et paradoxalement, jeter une montre par les fenêtres ne veut pas forcément dire jeter de l’argent par les fenêtres. La toute première publicité télévisée diffusée aux Pays-Bas était pour la marque Pontiac en 1964.
Du fait de ce type de sponsoring, Pontiac devient la montre des sportifs .
Les noms des montres Pontiac en sont le reflet : Maillot jaune , maillot Arc en Ciel , Nageur , Prize Winner , etc
On ne confondra pas De Witte avec De Witt la prestigieuse marque de montres, même si les origines de ces familles sont toutes deux belges et nobles. Établie en Suisse, la manufacture est fondée en 2003 par le comte Jérôme De Witt, qui au même titre que le Prince Napoléon descend de Jérôme Bonaparte, le plus jeune frère de L’Empereur, mais par les femmes. Nous vous renvoyons à notre article sur Cluses et la place des Napoléonides dans l’histoire de l’horlogerie.
Né en avril 1950 dans le Périgord, Jérôme de Witt est le fils de Son Altesse Impériale la princesse Marie-Clotilde Bonaparte et du comte Serge de Witt. Pour ceux qui ont le vertige de l’Histoire incarnée, sachez qu’un de ses grand-oncle était Albert, le mari de la reine Victoria et que son autre grand oncle Charles Joseph Bonaparte fonde le FBI en 1908 . En outre la marraine de sa mère était l’Impératrice Eugénie, chez laquelle elle se réfugie, de 1914 à 1919, suite à l’invasion de la Belgique. Pour ces familles régnantes, la grande Histoire se confond avec leurs propres histoires familiales et l’on mesure qu’elles sont bien plus proches chronologiquement que nous ne l’imaginons, puisque par exemple sa mère disparaît en 1996 et son père, né en 1891 à Moscou et chassé de Russie par la Révolution de 1917, ne meurt qu’en 1990, à 99 ans. Son aïeul Jérôme Bonaparte qui avait la passion des montres, permit la création d’une extraordinaire collection dont Jérôme de Witt a hérité en partie, enrichie au cours des siècles par ses différents propriétaires. comme cette extraordinaire montre à tact, ci-dessous.
Montre à tact de Jérôme Bonaparte roi de Westphalie . Collection Fondation Napoléon donation Lapeyre.
Outre une lecture traditionnelle en ouvrant le boîtier, les montres à tact permettent de lire l’heure dans l’obscurité grâce à une flèche placée sur le couvercle et dirigée vers vingt-quatre boutons de touches, douze gros boutons pour les heures et douze petits boutons pour les demi-heures, répartis tout autour de ce cadran: il suffisait de tourner le disque supérieur dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à un point de blocage, puis de définir l’heure avec la position de la flèche par rapport aux boutons. Les montres à tact étaient utilisées par les jeunes gens qui désiraient connaître l’heure discrètement et qui, par courtoisie, consultaient leur montre par simple toucher sans la sortir de leur poche, afin de ne pas paraître ennuyés ou impatients, faisant donc preuve d’un tact tactile .
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Pierre JUILLAC, horloger, s’installe au 80 avenue du Général de Gaulle à Tassin-La-Demi-Lune, avec son logement juste au-dessus de la boutique, selon l’usage de l’époque. Il s’abritait sous un rare store banne publicitaire Jaz …
… nous n’en connaissions, jusqu’à celui-ci, qu’un seul autre, d’avant guerre et en Belgique
Sa petite boutique arbore, derrière la porte vitrée, l’affiche Jaz de Ravo l’heure à transistoret le blason de l’Elite, Institut National d’Etudes Commerciales et Professionnelles des Horlogers Bijoutiers Joailliers , fondé en 1955 par Paul Nicolas.
La boutique a fermé, comme tant d’autres horlogeries en France, malgré la réputation de son propriétaire et sa position centrale à Tassin-La-Demi-Lune. Effectivement, on constate, sur cette photo, que la grande horloge, symbole de la ville était à portée de vue.
L’horlogerie Juillac était au bout de la flèche, un peu plus loin, hors champ.
Pierre JUILLAC était diplômé de L’Ecole Nationale d’Horlogerie de la Martinière de Lyon .En 1933, l’Ecole Nationale Professionnelle de Lyon se voit adjoindre à ses divisions préparatoires, industrielles et commerciales, une division horlogère.Si l’Ecole de la Martinière n’a pas la réputation des écoles de Cluses, Anet, Besançon ou Morteau, elle a néanmoins formé de nombreux et excellents horlogers français et on doit à Maurice Vial d’en maintenir l’enseignement, lui qui diffuse les cours qui y étaient dispensés : accessibles à tous, nous vous les recommandons.
La boutique de Pierre Juillac dans les années 70 : nous remercions son fils Michel pour les documents communiqués, par l’intermédiaire de notre ami Serge Benatti , grand collectionneur de Jaz et lui-même habitant de Tassin -La Demi-Lune.
TASSIN-LA-DEMI-LUNE et CHARVET HORLOGERIE
Il y a peu de villes en France qui affiche une horloge dans ses armes et en tête de sa communication. Pour être franc, c’est que cette bourgade n’offre pas tellement d’autres éléments remarquables et emblématiques. Mais pour un passionné d’horlogerie, elle est loin d’être sans intérêt. Ne serait ce que par cette fameuse horloge de style néo-Louis XVI, qui occupe une place centrale à Tassin-La-Demi-Lune Cette place se trouve à l’intersection des routes de Bordeaux et de Paris pour la fameuse Route Nationale 7, parfois également appelée la « route Bleue » ou encore la « route des vacances ». Si bien que cette horloge a été vue par des millions de vacanciers qui sont passés à ses pieds pendant les congés payés. Un des bouchons, dont étaient coutumiers ces ronds points sur la RN7, a même certainement laissé le loisir à beaucoup d’entre eux d’en profiter longuement .
Elle a récemment été restaurée, de nouveau inaugurée et inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Administrativement, elle se trouve place Pierre Vaubouin mais elle très généralement et populairement appelée place de l’Horloge ou rond-point de l’Horloge
En 1908 , cette horloge de 13,50 mètres est inaugurée par Edouard Herriot, maire de Lyon et figure centrale de la III° République; au centre du principal carrefour de cette petite agglomération dans la banlieue Ouest de Lyon ou pour schématiser: derrière la Basilique Notre Dame de Fourvière.
Si les tassilunois se choisissent une horloge comme emblème, c’est que la commune abritait une célèbre manufacture d’horlogerie, sise avenue du Nord, le long du chemin de fer, la maison CHARVET-DELORME.Fondée en 1852, la maison Charvet est connue de tous les visiteurs qui parcourent les petites rue de Lyon pour son célèbre carillon aux Guignols.
Elle mesure sept mètres de haut et plus de deux mètres de large.
Elle a été placée à son emplacement actuel en 1864, Charvet étant devenu propriétaire d’un magasin situé à côté , dans la rue de La Poulaillerie ,où se concentraient alors les horlogers : vous remarquerez les enseignes des comptoirs Batailler et savoisien . Depuis plus de 15 ans, l’horlogerie qui la jouxtait et l’entretenait a disparu, si bien qu’elle ne fonctionnait plus. La rumeur fondée, d’un rachat par des asiatiques, a enfin motivé le l’acquisition par la Ville de Lyon, pour 100.000€ tout de même , qui a l’intention de lui faire traverser la Saône pour aller embellir un mur pignon des Musées Gadagne.En 1966, la société Charvet Delorme, encore localisée à Tassin-la-Demi-Lune en région lyonnaise, où elle employait 90 personnes, entre dans la Compagnie des Compteurs en raison du caractère complémentaire de ses fabrications avec celles de l’usine de Besançon de ce groupe. La modernité de ses ensembles d’horlogerie technique permettait à Charvet-Delorme de s’honorer, entre autres, de l’équipement des centrales de Pierrelatte et du Commissariat à l’Energie Atomique de Cadarache .
Rachetée en 1976, l’entreprise poursuit pendant deux ans ses activités dans l’horlogerie avant de changer de nom et d’adresse: elle devient alors Charvet Industrie et se spécialise dans l’affichage digital avec un produit phare, les croix de pharmacies à diodes. L’entreprise peut se targuer d’avoir équipé pas moins de 750 officines sur le territoire français.
Photo sépia 9 x 4,5 cm ; L’HORLOGERIE SUISSE : le nom du propriétaire , en blouse blanche , se trouve en travers sur la porte vitrée ; juste derrière sa tête , on peut lire V ou W DECOSTER FESINETS . Hélas le patronyme Decoster , qui signifie sacristain , étant extrêmement répandu en Belgique , nous n’avons pu localiser cette petite horlogerie. Le plus étonnant reste ce store banne publicitaire dont nous ne connaissons aucun autre exemplaire ; en revanche le slogan est bien connu : JAZ le réveil de précision ; L’ensemble de ces éléments permet de dater cette photo entre 1921 et 1925 .Vitrine détail : A la plaque émaillée est très en biais , néanmoins on arrive tout de même à l’identifier B collées sur la vitrine deux plaques rectangulaires C un des surmontoirs en forme d’éventail posé sur un réveil Jaz , il y en a une bonne dizaine sur cette étagère et d’autres sur l’étagère du haut .Carte postale Moerbeke-Waas , Oppertstraat .
Cet article est basé sur les travaux des Ateliers Mémoire de Roubaix et la plupart des documents sont issus des archives de Madame Edyth Bousquet , fille de cet horloger-bijoutier hors normes : nous les en remercions . Ces ateliers sont remarquables par leur qualités documentaires et pionniers par l’intérêt qu’ils portent aux commerces , les grands oubliés des monographies communales . Nous essayons pour notre part de contribuer à cette branche de l’Histoire avec notre rubrique des horlogers affiliés à Jaz . On y verra aussi un exemple remarquable et détaillé de l’évolution d’un commerce de détail en horlogerie- bijouterie , des origines jusqu’au delà de sa fermeture , comme il y en a tant eu en France au XX° siècle . Enfin , vous le verrez en fin d’article , il nous permet d’éclairer toute une page d’une Jazette de 1946 .
Robert Bousquet voit le jour à Paris en 1909 . Devenu apprenti en horlogerie bijouterie , après ses études il épouse Ludivine Nys , elle même secrétaire sténo dactylo dans un restaurant parisien , en 1930.
Son épouse étant originaire de la rue du Collège à Roubaix , il décide d’ouvrir sa propre bijouterie horlogerie en Février 1932 , au 42 rue de la Vigne , dans un petit commerce qui était auparavant un petit magasin de meubles. Le couple Bousquet – Nys choisit son enseigne en raison de la toponymie de leur rue : Au Carillon de la Vigne .Ils ont le sens de la communication et offrent le café à tous les visiteurs , en n’omettant pas de bien l’afficher en façade de la boutique . Ils vont jusqu’à fixer un carillon factice géant sur la galerie de sa voiture . En 1946 , sur leur stand à la Foire Commerciale Internationale de Lille , le couple Bousquet pose sous une rangée de murales électriques , derrière un long carillon en bois . Ils organiseront leur propre Salon du Bijou à Roubaix , cette même année , comme Jaz s’en fera l’écho dans la Jazette n°10 .
Grâce à notre importante banque de données sur l’horlogerie française de gros , réveils et pendules , nous avons réussi à identifier les grande garnitures à droite de leur stand .Nous les attribuons par analogie de style , que confirme des aiguilles et index identiques , à des créations du célèbre artiste Art Déco Roger Mequinion , nouvelle valeur montante des salles des ventes , en revanche l’horloger- fabricant reste encore inconnu .
Le savoir faire professionnel de Robert est reconnu de sa clientèle. Les affaires fonctionnent de façon très satisfaisante, si bien que son jeune frère Henri est appelé en renfort ; il vient l’aider au SAV horlogerie dans la boutique et emménage dans une maison voisine.
Edyth , la fille de Ludivine et de Robert naît en 1952 .D’évidence sa petite boutique n’est plus adaptée à son activité sans cesse croissante . Le café de l’Univers , célèbre à Roubaix , qui se libère sur la Grande Place est une opportunité qu’il ne laisse pas échapper et qu’il investit en 1953 .
Le magasin est installé au rez de chaussée ; au 1° étage sont aménagés bureaux et archives comptables ; au 2° étage se trouve l’atelier d’horlogerie , heureusement desservi par un monte charge .
Le couple conserve son appartement rue de la Vigne , le temps d’aménager le 1° étage du bâtiment de la Grand Place . Ludivine et Robert n’y emménageront que bien plus tard , en 1957 .D’une surface de vente de 95 m2 , la vaste boutique lui permet d’étendre sa gamme d’orfèvrerie , de joaillerie , de cadeaux et d’y joindre les trophées sportifs . Il développe également ses sélections en proposant des montres de marques prestigieuses , comme Lip , Tissot , Seiko , Breitling , Omega , ainsi que des réveils et horloges Jaz .Dépositaire exclusif des produits Jaeger-LeCoultre , il présente un choix énorme avec 1000 montres exposées dans ses quinze vitrines ! Robert Bousquet reçoit la croix de chevalier de l’Ordre du Mérite Commercial en 1954 .Le titre de Bijoutier de Roubaix pourrait paraître prétentieux , en fait cela permet juste un petit ambigramme à symétrie axiale ou effet miroir , accentué par une couronne , entre les propres initiales de Robert Bousquet et celles de Bijoutier de Roubaix . On voit son véhicule stationné devant son magasin et en vignette . Mais il reste modeste dans ses choix puisqu’il choisit une Henry J. par Kaiser qui est une des rares américaines bon marché . Il crée le « Club du Haut Commerce de Roubaix » qui regroupe les principaux commerçants du centre ville et en devient le président.Imaginatif , Robert Bousquet créé le concours de l’exactitude , à la fin des années 50 soit 40 ans avant celui de Vedette . Ce concours, réservé aux écoliers de Roubaix, consiste en une rédaction de textes sur l’exactitude . Très populaire auprès des roubaisiens , il est reconduit d’année en année , de 1956 à 1963 . Il distribue lui même des bulletins de participation aux élèves enthousiastes et décore une de ses vitrines aux couleurs de LIP , de son concours et des ses cadeaux comme l’hélicoptère de la Sabena au dessus de l’Atomium du prospectus de l’Exposition Universelle de 1958 à Bruxelles où Jaz sera récompensé de la médaille d’Or ..Les lots sont nombreux : une montre en or , un livret de Caisse d’Epargne de 10.000 anciens francs , un voyage pour visiter l’usine Lip à Besançon et y rencontrer M. Fred Lip en personne , un déplacement en hélicoptère de la compagnie Sabena à l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958 et de nombreux autres cadeaux de valeur pour les gagnants suivants. Bousquet est vice président de la chambre de commerce de Roubaix et membre agréé du Haut Commerce de France; il fait partie de l’Elite des horlogers bijoutiers de France , une création de Paul Nicolas , par ailleurs directeur de Jaz . En haut : Monsieur Bousquet avec d’autres dirigeants de club sportifs: il était lui même président du lutteur club de Roubaix. En bas : Robert Bousquet à gauche avec des lutteurs sur fond d’horloges murales dans sa boutique Robert Bousquet avait une qualité rare dans son métier : l’humour , si bien qu’il n’hésite pas un seul instant , lorsque le journal régional , Nord Eclair , lui propose de rédiger un article « Poisson d’Avril » pour les lecteurs du quotidien en avril 1965 .
Le scénario est celui-ci : un bus effectue des manœuvres en marche arrière pour éviter un chantier de travaux mais le moteur s’emballe ; le bus recule très brutalement et vient fracasser la vitrine de la bijouterie , par chance à un endroit qui permet tout de même de bien voir la boutique et ses publicités .Le 1er Avril 1966 , nouveau scénario : quelques mois avant la coupe du monde de football , qui a lieu à Londres cette année là , le trophée Jules-Rimet est dérobé lors d’une exposition à Westminster . Scotland Yard retrouve le précieux objet convoité et décide de l’exposer à la bijouterie R. Bousquet sous haute surveillance policière britannique . La base de l’histoire est vraie mettant toute l’Angleterre est en émoi et Scotland Yard chargé de l’affaire. La chute de l’histoire est plus rocambolesque que le poisson d’Avril de Bousquet : Le 20 mars 1966 , un petit chien nommé Pickles retrouve le précieux objet lors de sa balade nocturne dans un cottage de South Norwood , quartier au sud-est de Londres.
Le petit bâtard noir et blanc est fêté comme un héros et son propriétaire , David Corbett , se voit offrir un billet pour la finale et un an de croquettes ; à droite devant la tombe de Pickles , de nos jours . Voyez cet article du Parisien : l’histoire finit mal pour le chien et la Coupe et ses 3,8 kg d’or , encore volée en 1983 au Brésil , puis jamais retrouvée.
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En 1967, toujours dynamique et en avance sur son temps , il prolonge l’ouverture de son magasin en nocturne jusqu’à 21h30 le mercredi , comme la plupart des commerçants du centre ville .Robert est un homme de communication . Lors du salon des arts ménagers , à la foire de Lille, il présente son stand à la célèbre Jacqueline Joubert , speakerine de l’ORTF et mère de Antoine de Caunes . Sur la photo de droite , il fait admirer un de ses bijoux à la chanteuse Jacqueline Boyer , fille des chanteurs Jacques Pills et Lucienne Boyer , qui remporte le Concours Eurovision de la chanson pour la France, avec la chanson Tom Pillibien 1960 . Documents archives municipales de Roubaix
En 1971, Robert Bousquet tombe malade , est hospitalisé à la clinique St Jean de Roubaix et part ensuite en convalescence dans le sud de la France . A la fin des années 70 , Max Revel est nommé président du conseil d’administration de la S.A. Bousquet , qui en 1981 dépose une demande de permis de construire pour la transformation du magasin.Les façades vont être rénovées avec des huisseries neuves et des rideaux de fer anti effraction . On notera l’emploi de matériaux luxueux comme la pierre de la carrière de Corton en Côte d’Or , une miroiterie fumée bronze , des peintures laquées noires et des vitrines en acajou verni . Le résultat est magnifique mais a coûté 210.000 francs . Est ce dû à cet investissement de rénovation trop important ou au début d’une situation économique locale difficile ? Toujours est il que le magasin cesse son activité au début des années 90 . La Griffe d’Or reprend le magasin au milieu des années 90 , altérant l’aspect chic du magasin mais il vrai qu’ il s’agit d’une simple boutique de cadeaux , petits bijoux , montres bas de gamme et listes de mariage . Le succès n’est pas au rendez-vous et le commerce ferme , très peu de temps après son ouverture. En revanche l’enseigne « Karité » institut de beauté spécialisé en centre de minceur , d’esthétique, de bien-être, de relaxation , qui a repris les lieux en 1998 est toujours en activité de nos jours .Jazette n°10 Avril 1946 page 4
Ce long préambule nous permet d’éclairer cette dernière page de la Jazette d’Avril 1946 . Nous savons dorénavant qui est cet horloger haut en couleurs qu’est Robert Bousquet , signataire de cette lettre à Paul Nicolas ; La silhouette est donc celle de Yvonne Dys , comédienne, qui aura également une petite carrière télévisuelle et cinématographique , dont on comprend mieux la présence quand on se rend compte qu’elle porte le nom de jeune fille de Madame Bousquet et l’on voit déjà apparaître le frère en gardien de nuit . Ce petit Salon du Bijou à Roubaix , en 1946 , n’a pas marqué les mémoires , pas même l’histoire locale puisque les Ateliers de Mémoire n’en parlent pas . Mais il montre le dynamisme de ce commerçant hors normes qui réussit à faire venir Victor Provo , maire de Roubaix de 1942 à 1977 et futur Sénateur du Nord . Dès son retour de camp de prisonniers en 1940 , il rejoint la Fédération socialiste clandestine du Nord . La Résistance, à laquelle il a immédiatement adhéré, lui demande d’accepter le poste de Maire dont il fait un foyer actif de la clandestinité . Reconduit à ce poste par les instances de la Résistance à son poste de maire en 1945 , il se présentait donc le lendemain de l’inauguration du salon pour la première fois devant les électeurs : preuve que rien ne résistait à ce Bousquet , même pas les grands résistants .
Le document n’est pas daté mais la seule date commune aux modèles de Jaz reproduits est 1936/1937 , confirmé par les tarifs de cette même année 1936 .
Le billet est inclus dans un petit dépliant publicitaire On notera que pour la SEVRIC, il est précisé que les mouvements sont à rubis , ils étaient tout d’abord à pointes métal . L’autre précision d’importance est la fixation brevetée du mouvement sans vis apparente sur le cadran : consultez notre article pour constater à quel point cela représentait une différence esthétique importante par rapport à la concurrence qui pouvait afficher jusqu’à quatre vis en façade . Il s’agit d’un authentique billet de la Loterie Nationale offert par un horloger bijoutier , Albert Banholzer , qui incarnait la troisième génération dans sa grande boutique à Châlons sur Marne , devenue Châlons en Champagne en 1995 .
La maison Banholzer qui a édité ce billet , a disparue de nos jours , mais l’immense limousine Peugeot 601 d’avant guerre du patron est resté dans la mémoire des vieux chalonnais qui achetaient montres , réveils , bijoux et orfèvrerie auprès de cette enseigne emblématique de la ville champenoise .
La première petite boutique Banholzer en 1904 place de la République à Châlons , celle du 43 rue de la Marne était cinq fois plus grande .
Son grand père Rodolphe , dont on voit ci-dessus le décret présidentiel qui l’autorise en 1872 à résider en France , était le fondateur de cette dynastie originaire du Grand Duché de Bade , ce qui correspond à cette région frontalière avec la France qui comprend la Forêt Noire . Vous noterez qu’un autre badois se voit accorder le même privilège , le même jour . En fait ce n’est guère étonnant quand on connaît l’importance de l’immigration vers la France des habitants de cet état signataire du Traité de Paris en 1806 initié par Napoléon I° , qui en fait un Grand Duché au sein de la Confédération du Rhin contre un contingent de 8.000 soldats badois au service de l’Empire Français . Eugène Spüller , fidèle compagnon de Gambetta , deviendra , peu après ce décret , ministre de l’Instruction Publique , des Beaux Arts , des Cultes et des Affaires Etrangères : il était lui même descendant d’un boucher né à Forcheim en Bade , pour choisir un exemple célèbre. Historiquement c’est la région horlogère d’Allemagne , où sont nés les coucous et s’établiront des entreprises telles que Kaiser, Emes , Staiger , Kundo ou Kienzle , Mauthe et Bürk à Villingen – Schwenningen ou encore le partenaire de Jaz , Peter Uhren à Rottweill . Ce deuxième billet absolument identique au nom d’un autre horloger , Locherer 15 rue des serruriers à Colmar , prouve qu’il s’agissait d’une campagne publicitaire organisée par la maison mère . Jaz était plus habilitée que de simples horlogers à négocier un contrat avec la Loterie Nationale . Une petite histoire de la Loterie Nationale Française s’impose pour comprendre dans quel contexte ces billets publicitaires s’inscrivent et pourquoi ils ont été autorisés . Albert JUGON , deuxième en partant de la droite sur une carte représentant les cinq délégués des mutilés français L’actuelle campagne publicitaire télévisée pour la privatisation de la Française des Jeux l’apprend aux jeunes générations et le rappellent aux anciens : la loterie est née sur une initiative des Gueules Cassées , plus exactement celle d’un héros : Albert JUGON . Le petit aide -comptable de Bretagne monté à Paris avec sa femme et ses deux filles , est mobilisé en 1914 . Son unité part au sud de la Belgique pour la bataille de Rossignol, le 22 août . Le breton figure parmi les 400 survivants de la première brigade , qui comptait encore 6.800 hommes le matin même . Suite à cette défaite , les armées françaises lancent une contre-offensive sur la Marne , début septembre . Son régiment est redéployé en Argonne où il est pris sous un violent bombardement allemand . Jugon est touché par des éclats d’obus qui lui emportent la moitié de la figure et de la gorge ; une partie de sa langue est arrachée , son œil droit crevé… il est laissé pour mort plusieurs jours au bord d’une tranchée . La Grande Guerre frappe par sa démesure . En France , plus d’un quart des hommes de 18 à 27 ans ont perdu la vie au combat . S’y ajoutent 300.000 civils et autant de disparus . On se souvient moins des blessés , qui dépassent les 4 millions , soit plus de la moitié des mobilisés . Au sortir du conflit , les amputés se comptent par centaines de milliers , les aveugles sont plus de 40.000 . Mais de tous les mutilés , ceux dont le visage a été ravagé par les balles , les obus , les grenades , qui génèrent des blessures inédites , sont les plus dépourvus au sortir du conflit . Ils sont près de 15.000 à avoir été défigurés mais étonnement cela n’ouvre pas droit à une pension puisque ce n’est pas une infirmité fonctionnelle .Les Gueules Cassées choisis par Georges Clémenceau avec le moustachu Colonel Picot , député lui même mutilé . Certes cinq d’entre eux , dont Albert Jugon à l’extrême droite de cette photo , sont invités par le Tigre , lors de la signature du Traité de Versailles , pour assister à l’humiliation du II° Reich . Pour autant leur quotidien dans l’après-guerre est rien moins qu’assuré : ils peinent à retrouver un emploi dans la vie civile , sont rejetés par leurs compagnes et leurs familles , inspirent la peur ou la pitié des passants .Le Colonel Picot Refusant le statut de victimes, trois d’entre eux fondent en 1921 l’Union des blessés de la face : Albert Jugon , Bienaimé Jourdain et le Colonel Picot qui surnomme alors ces hommes les « gueules cassées ». Non sans humour , ils prennent pour devise « sourire quand même ». Si le nom initial , « Les Gueules cassées », a été refusé par la préfecture de Paris, cela n’empêche pas ses membres de se faire appeler ainsi pour marquer les esprits Albert JUGON , à gauche sur la photo montrant un billet de loterie Pourtant, dès son origine, l’association refuse de demander des subventions publiques, préférant subvenir aux besoins de l’association et de ses membres par ses propres moyens . Malheureusement , la générosité du public ne suffit pas à suffisamment soutenir financièrement le dispositif de prise en charge des mutilés de la face . En 1927 , Albert Jugon et ses amis lancent l’idée d’une grande souscription nationale, assortie d’une tombola aux lots fabuleux et pléthoriques . On peut même y gagner des avions de tourisme ! Appelée « la dette » , elle se développe avec d’autres associations de victimes de guerre dès 1931 .Ce gros paquet dans les bras de JUGON ce sont des billets de banque ! Les fameux billets bleus et roses de 1000 Francs , en cours de 1890 à 1933 , mesurait 235 mm par 130 mm Le premier billet de loterie est remis solennellement à Gaston Doumergue, Président de la République , lors de sa visite au domaine de Moussy-le-Vieux , en Seine-et-Marne qui recueillait des Gueules Cassées , dit le château sans miroirs : on comprend aisément pourquoi… Hasard extraordinaire ce même Président Doumergue prend sa retraite à Tournefeuille dans la maison qu’il avait gagnée à la loterie grâce à un billet acheté avec un voisin . Heureusement pour lui , car rappelons qu’à l’époque les Présidents de la République n’avaient pas de retraite . Jusqu’alors issus de la grande bourgeoisie ou assassinés en cours de mandats , comme Doumer ou Sadi -Carnot , ils n’en avaient guère besoin . Séduit par ce succès l’Etat s’en arroge le monopole en créant la Loterie Nationale qui voit le jour en 1933 , au profit toujours des mutilés mais y ajoute les anciens combattants et les victimes de calamités agricoles . Aujourd’hui encore , elle est actionnaire de la Française des Jeux , dont elle détient 9,23 % du capital .Paul Bonhoure descendant les Champs Elysées après avoir touché ses gains . Le premier tirage de la Loterie Nationale rend millionnaire un coiffeur de 50 ans , à Tarascon , marié , deux enfants,qui est happé par une célébrité foudroyante. Premier tirage de la loterie nationale 5 M. de Francs correspondent à 3 M d’€uros Généreux et élégant , il offre son salon à son assistant , s’achète une grosse voiture et une propriété de plus de cinquante hectares près de Beaucaire où s’écoule tranquillement le reste de son existence , excepté le harcèlement de solliciteurs qui rendra les gagnants suivants plus discrets sur leurs adresses . Kiosque des Gueules Cassées à Marseille sur la Canebière au 43 , devant les ateliers des Ouvriers HorlogersRéunis (anciennement au 2) Mais les billets sont à 100 Francs , équivalent à 80 € , et donc inaccessibles au plus grand nombre . Le Colonel Picot a donc l’idée d’acheter les billets à l’État , de les fractionner en « dixièmes » qui seront ensuite revendus au public à un prix abordable . Une nouvelle fois , c’est un succès .. Voilà pourquoi sur cette photo marseillaise , les Gueules Cassées annonce avoir gagné pour la 7° fois le gros lot : en fait ayant acheté à l’Etat des billets pleins , ils les ont revendus à acheteurs dont certains sont devenus des gros gagnants . En 1935, l’État réglemente le fractionnement des billets entiers en dixièmes , officialisant ainsi la profession d’émetteurs de Loteries . A la fin des années trente sont autorisés le sur-fractionnement des billets pour des besoin de publicité , jusqu’à 1/5000° comme notre billet émis par Albert Banholzer , horloger à Châlons en Champagne , de fait devenu lui- même émetteur de loteries .
Portrait de l’Empereur par Harcourt et un Noric par Jaz Extrait Jazette Juin 1948 page 21 . Ce petit encart dans une Jazette , l’organe de communication de Jaz avec ses horlogers affiliés , mérite quelques explications pour les plus jeunes d’entre nous qui ignorent certainement qui est Bao Daï , le flamboyant Empereur du Vietnam , décédé en 1997 à Paris dans un oubli quasi total . S.A.I. l’Empereur Bảo Đại , « Gardien de la Grandeur » , en 1948 à Paris .Son tombeau au cimetière de Passy
La caricature ne voudrait retenir de lui que l’image d’un souverain fantoche , volage , décadent et dispendieux , allant jusqu’à faire graver ses paquets de cigarettes à son nom
C’est oublier que son destin ressemble étrangement à celui de son homologue chinois Puyi , magnifiquement mis en scène par Bertolucci dans le Dernier Empereur , avec une chute moins douloureuse , heureusement . Élevé dans une solitude extrême , soumis à une sinistre routine , n’ayant jamais eu ni jouet , ni compagnon de jeu , mal nourri : il pesait 20 kilos à neuf ans . Empereur à douze ans , il sera privé de son pouvoir par la France Coloniale , puis l’envahisseur japonais et enfin la Chine avec le Viet Minh . Faute de pouvoir réformer son pays , il passe de plus en plus de temps aux loisirs : chasse , yachting , bateau , cheval , golf , tennis
Certes son goût du luxe était sans limite . Par exemple , les collectionneurs de Rolex savent que la montre du souverain vietnamien s’inscrit dans le Top 10 des plus onéreuses au monde . Surnommée «Bao Dai» , vendue cinq millions de CHF en 2017, elle est fabriquée en 1952 . Déjà à l’époque , ce modèle automatique en or , dont le cadran noir est serti de cinq diamants , était le plus cher de la marque à la couronne . Il l’aurait acquise au printemps 1954 alors qu’il séjournait à Genève lors les pourparlers de paix concernant la guerre d’Indochine . En visite chez Philippe Beguin, un célèbre détaillant de la marque , le 13ème et dernier Empereur du Vietnam aurait demandé la Rolex la plus chère , comme à son habitude , et se serait offert cette référence 6062 unique .
Toute aussi célèbre et prévisible dans l’univers du grand luxe , La Ferrari Bao Daï .
En étudiant parisien et en costume traditionnel , celui qui n’est encore que le Prince Héritier Vinh Thuy pose devant une spectaculaire horloge , en 1926 dans son propre hôtel particulier , avenue Lamballe à Paris XVI°.Accoudé sur le manteau d’une cheminée où trône une horloge Art Déco , probablement en bakélite sur trois boules blanches . Dans ce contexte le choix d’un Jaz , un NORIC , bien qu’il soit un Tirage Limité , entièrement fait à la main , pourrait sembler dérisoire . Ce cadeau s’inscrit pourtant dans une tradition diplomatique que l’épouse du Haut Commissaire connait visiblement bien , qui consiste , au-delà de la fonction pacificatrice , à promouvoir un savoir-faire : ainsi les ambassadeurs de Louis XIII ou Louis XIV emportent en Chine une foule de présents , de l’horlogerie particulièrement .
Toutefois il ne s’agit pas d’un cadeau réellement diplomatique, qui échoit de droit aux services du protocole de l’Elysée pour un chef d’Etat , mais d’un cadeau personnel et amical , proportionné aux moyens d’un couple aisé de hauts fonctionnaires après guerre En outre , ce NORIC est parfaitement adapté au style et au standing du Palais d’été de Dalat qui est en fait une grande villa Art Déco .
Ce réveil n’aurait pas détonné dans ces chambres , assez sobrement décorées.
D’ailleurs un carillon Vedette , sans aucune ostentation, trône encore au mur du salon
Dans son pays ou en France , le Roi des Rois pratiquait la chasse à outrance . Après guerre , il va donc chasser en Alsace dont le gibier a été totalement préservé par le rattachement au Reich . Evidemment , il se rendait à la fameuse chasse de Jean Bonin de la Bonninière , Comte de Beaumont , dont le territoire cynégétique couvrait douze communes alsaciennes . En 1954 avec dix amis , ils abattent en un seul week-end : 829 faisans , 360 lièvres , 138 perdreaux , 88 canards , 27 chevreuils et un seul sanglier . Or ce domaine de Diebolsheim qui reste légendaire pour les chasseurs , est situé à 30 kms à peine de l’usine Jaz de Wintzenheim . L’Empereur d’Annam et du Tonkin a t il entendu parler de cette fabrique ? Est il passé devant ? Cela a t il joué dans le choix de l’épouse du Haut Commissaire ? En tant que prince héritier, il fait ses études en France , fréquentant le Cours Hattemer où il est scout , le lycée Condorcet, le lycée Lakanal puis l’École libre des sciences politiques n’ignorant donc rien de la culture et du commerce français , il ne pouvait guère avoir ignoré les publicités pléthoriques de Jaz .
Publicité par WAITES dans le Gloucester Echo du 23 Janvier 1950 . Il est étonnant que la maison Waites , qui avait également l’activité de joaillier , cible cette publicité uniquement sur les , famous Jaz Alarm, célèbres réveils Jaz.Gloucestershire Business Magazine été 2017 La maison Waite & Son est visiblement toujours florissante en 2017
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