Encyclopédie historique des réveils et pendules Jaz de 1919 à 2000 . Collection Boris PAGLIA & Denis RAQUIN
Diversifications professionnelles des horlogers
Nous avons pris l’habitude de ce couplage professionnel entre horlogerie et bijouterie, même s’il s’agit de deux métiers très spécifiques et bien distincts, au point qu’il convient parfois de se poser la question si votre commerçant est plus horloger que bijoutier ou inversement. De nos jours, il convient de s’assurer qu’il n’est pas un simple revendeur et changeur de piles de montres qui envoie ses réparations dans un atelier extérieur.
En fait de duos, il s’agissait souvent d’un triptyque qui s’égrainait dans ce sens: Horlogerie Bijouterie Joaillerie, que rejoignait souvent l’Orfèvrerie, jusqu’à ce que les Arts de la Table disparaissent des préoccupations et du goût des Français.De ce trio d’inséparables, Jaz a tiré le nom de son entrée de gamme composée de quelques réveils et pendules basiques: HorBiJo composé de l’acronyme d’Horloger Bijoutier Joaillier.Cette diversification professionnelle est si ancienne, et de loin la plus fréquente, que l’on a tendance à les rendre inséparables et dire horloger-bijoutier comme on dit boulanger-pâtissier, toutefois elle n’est pas la seule diversification possible et cet article va vous montrer qu’il y en a eu d’étranges, voire d’absolument incongrues .
LA PHOTOGRAPHIE
La photographie est une des plus anciennes diversifications des horlogers, pour la simple et bonne raison que son invention et surtout sa vulgarisation commerciale est très antérieures aux autres produits qu’ils diffuseront ultérieurement, comme les phonos ou les vélos. Les horlogers ont toujours fait preuve d’une opportunité de bon aloi en fonction du progrès industriel et des opportunités commerciales pour augmenter leur chiffre d’affaires.
Au temps desportraits carte-de-visite ou portrait-carte, soit vers 1860/1880, certains horlogers cumulaient les deux professions pourtant techniquement bien éloignées.Plus rares sont les horlogers qui ont maintenu cette activité complémentaire au XX° siècle.
Quand on évoque un horloger photographe, les érudits pensent immédiatement au célèbre horloger toulousain, du 63 de la rue de la Pomme, Georges Ancely 1847+1919, au centre sur la photo, dont l’immense fond photographique est un témoignage incontournable de la fin du XIX° en Occitanie mais il ne rentre pas dans notre catégorie. La fortune professionnelle de cette famille d’horlogers et de châtelains, le tenait à l’écart de tout besoin de polyvalence et la photographie était pour lui un art, pas du tout un métier.
Arliaud réalisait des photos, en plus de ses autres activités, mais c’est un des rares horlogers à déclarer vendre des appareils photos et des sonnettes électriques.
La taille disproportionnée des enseignes pour les pellicules photographiques Kodak’s ou Lumière rendent un peu ridicule la petite plaque émaillé Jaz première version vers 1925.
Si les horlogers abandonnent rapidement l’activité de photographe, ils seront nombreux à vendre des pellicules photos que l’on trouvait par ailleurs dans bien d’autres commerces, surtout en zones touristiques. Pour celui-ci, il n’est pas évident de deviner de loin qu’il est aussi horloger, tant les publicités de pellicules sont envahissantes
OPTIQUE LUNETTERIE
Si cette diversification vers l’optique a disparu de nos jours, elle a été très courante à la fin XIX°début XX°, et semble assez naturelle comme à Morez, la ville jurassienne des clous, des horloges et des lunettes, dont le célèbre opticien Henri Lissac restera maire de 1908 à 1931. Rappelons que Lissac, avant d’opter pour l’optique, était lui-même horloger.
La maison « à la rose d’or », d’Ermont en Seine et Oise, affiche clairement son activité d’optique, dont on peut se demander s’il s’agit d’une activité principale ou secondaire en rapport avec son grand œil dans la vitrine et l’inscription blanche sur la vitre. La plaque émaillée Jaz atteste qu’on est vers 1925, période à laquelle les opticiens commencent à prendre leur indépendance, comme LISSAC, maison fondée comme Jaz en 1919, et monteront en puissance pour diffuser les lunettes de Morez qui est la patrie des montures en métal, tandis qu’Oyonnax sera la grand spécialiste des lunettes en plastique.
Cette photographie n’est pas très démonstrative en matière de cycles, ou de lunetterie, en revanche sa qualité est telle qu’elle permet les agrandissements, ci-après, qui montrent comme rarement les détails d’un commerce d’horlogerie du début du XX° siècle.Thermomètres suspendus et cartes postales de la commune: Bouzy près d’EpernayGros réveils à cloches au sommet et goussets à profusion: aucune montre bracelet.
Les exemples d’horlogers qui adoptent l’optique sont légions, notre article sur le fameux John BULL , horloger à Bedford , démontre qu’outre manche cette option semblait également monnaie courante
Cette boutique dans la ville wallonne d’Eupen, une des rares communes germanophones de Belgique justifiant ces enseignes bilingues, est probablement un des derniers commerces à cumuler les deux activités d’opticien et d’horloger.
CYCLES
Si cette horlogerie bijouterie de Jugon les Lacs, également lunetterie comme en témoignent ces binocles en enseigne, aligne une belle file de vélos, il ne s’agit pas des véhicules de sa clientèle mais de cycles à vendre. Le monde de l’horlogerie n’est pas si étranger à celui des cycles puisqu’on retrouve des horlogers à plusieurs étapes de leur invention. En 1834, l’horloger Julien-Benjamin Roussel est le premier à vouloir faire mouvoir un vélocipède à l’aide d’une transmission par chaîne sans fin. Il en dépose le brevet le 8 avril 1835 sous le titre de « voiture marchant par le moyen d’une mécanique mue à bras d’hommes ». Sans doute beaucoup trop lourd pour être utilisé sur route, mais l’idée est là et il reste le premier véhicule à transmission par chaîne jamais construit.
André GUILMET, 1827+1892, l’horloger réputé pour ses extravagantes et prestigieuses pendules « industrielles » figurant des phares, des bateaux, des phares, des sous-marins, des marteaux-pilons de forges, des casques de plongée, des machines à vapeur, etc, était également mécanicien.
Bicyclette dite de Meyer-Guilmet par André Guilmet et Eugène Meyer. Cycle à transmission par chaîne.
Guilmet fit construire un vélocipède dont les pédales situées dans la position centrale, était en liaison avec une chaîne qui transmettait le mouvement à la roue arrière comme nos vélos contemporains.
Pour autant, si les horlogers se font marchands de cycles, c’est qu’ils sont habiles de leurs mains et capables de réparer les pannes et assurer les réglages les plus courants mais surtout parce que ce moyen de locomotion est nouveau au début du XX° siècle. Clément et Cie devient le plus important constructeur de cycles en France en 1886; Les bicyclettes commencent à être produites en grande quantité, sont désormais fabriquées de manière industrielle et mécanisée et deviennent accessibles aux couches populaires qui peuvent s’en procurer sans trop d’efforts; la Manufacture des Armes et Cycles de Saint Etienne, futur Manufrance , tient avec ses Hirondelles une place prépondérante dans la diffusion des vélos par le truchement des premières ventes par correspondance.
Néanmoins, les ventes de vélos sont si importantes que cela laisse une bonne place aux horlogers, même ceux qui n’ont guère de place pour stocker. Reconnaissons que la présence à la vente de vélos chez un horloger bijoutier paraîtrait de nos jours pour le moins déplacée et ridicule.
Les crevaisons étaient alors monnaie courante en raison de l’état précaire des routes et des clous de fer à cheval ou de sabots en bois ferrés qui jonchaient les voies. Dans ce cas l’horloger assumait un service de proximité que la Manufacture de Saint Etienne ne pouvait assurer. Probablement les horlogers vendaient ils plus de pneus que de vélos et assuraient ils beaucoup de réparations. D’ailleurs ce qui amène son immense fortune au constructeur Adolphe Clément- Bayard, serrurier de formation, ce ne sont pas les cycles, même s’il dépasse le chiffres d’affaires de Peugeot en 1890, c’est la licence Dunlop. Au bord de la Meuse, à Mézières, il construit la superbe et fameuse usine dénommée La Macérienne qui produit des pièces détachées pour ces cycles et fait face à une statue du Chevalier Bayard, libérateur de la ville. Devenu constructeur automobile, il obtient d’accoler ce prestigieux patronyme au sien qu’il apposera fièrement sur ses voitures et ses dirigeables mais rien n’aurait été possible sans les pneus, consommables qui lui apporteront, comme aux horlogers, des revenus constants.
On notera les pavés qui permettent de tenir la pose à une période où les temps de pause des plaques photographiques étaient importants. Cet horloger bijoutier avec sa belle plaque émaillée Jaz, malgré l’étroitesse de sa boutique, vendait également des cycles et des machines à coudre faisant cohabiter Jaz Classic et phares automobiles à acétylène.
MACHINES À COUDRE
La fabrication des machines à coudre françaises était déjà florissante sous le Second Empire avec des marques comme Peugeot, Hurtu, Journaux Leblond, Reimann, etc.
Néanmoins, le début XX° voit l’avènement de l’usine Singer de Clydebank construite en Ecosse, la plus importante usine de machines à coudre au monde. La marque vend alors plus d’un million de machines dans le monde en 1903. La tour Singer de New York était en 1906 le plus grand building du monde donnant une idée de l’importance de ce marché qui était donc à saisir pour les horlogers.
La carte postale montre deux machines à coudre sur le trottoir; il est probable qu’il s’agisse d’une mise en scène publicitaire organisée par le photographe puisque les intempéries sont incompatibles avec la fragilité des boiseries des machines.New-Home était une fameuse marque américaine de machine à coudre.Cette affiche présente pour nous un double intérêt; celui d’être amusante mais surtout elle précise clairement dans la dernière ligne du bas que les marchands de machines à coudre souhaitaient être distribués par des horlogers bijoutiers.On trouve encore quatre machines sur le trottoir, et autant de vélos, probablement pour gagner de la place et attirer le chaland.Encore le tandem machines à coudre et vélos auquel s’ajoutent la literie et la chapellerie.
PHONOGRAPHES
Boutique Debray-Parmentier à Amiens: deux enseignes montres Oméga, une enseigne lumineuse LIP, deux panneaux LIP contre la façade, deux petites pancartes LIP, Phono Pathé peint sur la façade, etc, etc… Quand trop de publicité tue la publicité.
Beaucoup plus que le vélo, l’invention du phonographe doit énormément à un horloger, Henri LIORET à qui nous consacrerons prochainement un article. Horloger et fils d’horloger morétain, il est paradoxalement moins connu que les deux Charles, Cros et Pathé, bien qu’il occupe une place prépondérante dans l’essor du phonographe à la fin du XIX°. Issu de l’Ecole d’Horlogerie de Besançon, il est l’inventeur, entre autres, des cylindres en celluloïd pour phonographe qu’il développe à l’origine pour faire parler les fameuses poupées Jumeau; Toutefois il appliquera aussi ses talents dans son domaine d’origine, où il réussit avec brio puisqu’en 1890 son atelier d’horlogerie de la rue de Turbigo emploie une soixantaine de collaborateurs.
En 1878, un autre horloger, nommé Hardy, a lui aussi contribué à améliorer les phonographes en les dotant d’un mouvement mécanique qui rendaient égaux les mouvements de répétitions et de réception afin que le phono chante juste.
Derrière notre horloger ce ne sont pas des réveils ronds qui tapissent son stand de foire mais des cylindres pour phonographes.On notera qu’il ne vend que des phonos mais se revendique ouvertement comme horloger.Sa veuve cumulera, elle aussi, les activités les plus diverses, où les phonos gardent une belle place.
RADIO TSF
Avec la TSF, nous constatons encore un exemple d’adaptation des horlogers aux progrès techniques, puisque certains d’entre eux vont accompagner l’évolution de cette technologie depuis le temps où cet acronyme ne signifiaient encore que Télégraphie Sans Fil jusqu’à celui de Transmission Sans Fil. Il faut effectivement distinguer la diffusion qui permet à un émetteur d’être capté simultanément par l’ensemble des récepteurs existant à l’intérieur d’une certaine zone de la liaison dit point à point, du type du téléphone, où chaque usager peut devenir, à sa guise émetteur ou récepteur. Cette dernière a précédé la radio diffusion, si bien que l’on trouve quelques rares photographies d’horlogers affichant les trois lettres TSF, alors que les émissions radio diffusées n’existaient pas encore: il s’agissait alors de Télégraphie Sans Fil puis de Téléphonie Sans Fil avant d’aboutir à la Transmission Sans Fil.
Autre exemple de lien entre la TSF et l’horlogerie; cette superbe horloge lumineuse Oméga que la prestigieuse Maison Kirby Beard & Cie a édifié face à sa boutique du 5 rue Auber. D’une hauteur de 3,80 mètres, éclairées de 820 ampoules, sa précision est contrôlée toutes les demi-minutes par liaison TSF.
Tout comme le phonographe, la TSF doit beaucoup à un horloger: Abel GODY qui s’installe à Amboise en 1912. Passionné de Transmission Sans Fil, il crée ses premiers postes dans son arrière boutique, tout seul, comme d’autres passionnés de cette époque qui bricolaient des appareils avec bobines et lampes apparentes. Outre ses propres avancées technologiques, Gody marque sa différence en créant des boîtes en belle ébénisterie pour habiller les postes, ce qui commence à lui assurer un certain succès local, brutalement interrompu par la Première Guerre. Mais il peut mettre sa mobilisation à profit puisqu’il est intégré au Génie Militaire, comme la Tour Eiffel qui est sauvé de sa démolition programmée par son utilisation comme antenne de TSF pour l’armée. Au retour de la guerre, il fonde ses usines à Amboise pour vendre ses TSF « habillées » de la bourgeoisie aux maisons royales et connaître un succès mondial bien loin de sa petite échoppe d’horloger bijoutier.
MIROITERIE GLACES
La vente de glaces est une des diversifications qui nous a étonné au cours de notre enquête et pour laquelle nous n’avons pas d’explication rationnelle, si ce n’est le passage à partir du milieu du XIX° du miroir à la feuille d’étain et au mercure aux miroirs argentés en verre. Ce processus d’argenture permit la fabrication en masse des miroirs et rendit leurs prix abordables.Nous avons trouvé plusieurs horlogers qui se sont transformés en miroitiers.
ARMES ET MUNITIONS
Les exemples de cette activité annexe sont peu nombreux, pourtant les bijoutiers seront, hélas, plus tard amenés à s’armer pour leur propre défense. Néanmoins il semble qu’il y a eu une certaine porosité entre les deux métiers en raison de leur technicité mécanique commune, ainsi le père du célèbre miniaturiste Jean Henri Benner était armurier horloger à Mulhouse au XIX° .
En fin la TSF a été une source de revenus complémentaires pour bien des horlogers
DIVERSIFICATIONS HORS NORMES
Rien de véritablement étrange dans la diversification, qui ressemble à de la dispersion , du Grand Bazar Cabanel, qui porte bien son nom, si ce n’est son aspect tous azimuts puisqu’outre le classique assemblage de l’horlogerie de la bijouterie et de l’orfèvrerie, on ajoute les contrats d’assurances, la mercerie, les jouets et les chaussures, la vaisselle, les parapluies, les couronnes mortuaires en perles de verre, les landaus, les bagages et enfin les cartes postales: ces dernières sont une des grandes nouveautés du début du siècle précédent et vivront un âge d’or jusqu’en 1918.
Les petits éditeurs de cartes postales seront souvent des horlogers qui, déjà à la fin du XIX°, étaient parfois photographes comme nous l’avons vu plus haut.
Au début du XIX°, les dents de Waterloo étaient l’usage en matière de prothèses. Issues des soldats morts sur le champ de bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, les dents étaient arrachées, commercialisées et utilisées pour la fabrication de dentiers connus sous le nom de « Waterloo teeth ».
Les dents humaines ont été utilisées jusqu’en 1860, et ne seront remplacées qu’ultérieurement par des dents en porcelaine, puis par l’ébonite mais en parallèle l’or dentaire reste très répandu et celui-ci était travaillé par les orfèvres joailliers ce qui explique cette diversification « naturelle ».
Assurément une deuxième activité pour le moment inhabituelle pour un horloger que celle de tenancier de débit de boissons. D’autant que nous savons par son acte de mariage que Jean Baptiste Erouart lorsqu’il épouse Euphrasie Renaud, ménagère de profession, se déclare, alors qu’il n’a que 22 ans, comme horloger et fils de Henri Erouart, lui-même déjà horloger. Nous avions l’exemple de Bousquet l’Horloger de Roubaix qui offrait un café à ses clients et l’affichait en façade mais en faire un deuxième métier est une toute autre paire de manches .
Aussi étrange que cela paraisse Erouart n’est pas le seul horloger cafetier comme la maison Berthaux , à La Gacilly dans le Morbihan, même si les deux activités sont nettement séparées, son Café du Commerce ceinturant son horlogerie qui commercialisait cycles, machines à coudre et armes, comme tant d’autres. Dans les Côtes du Nord à Collinée, ses deux fenêtres flanquées de volets font office de vitrines côté rue.côté cour, on trouve une vitrine plus classiquePlus tard celui-ci fait refaire sa façade afin de mieux afficher ses activités qui comprennent un café et la vente d’huiles moteurs. Il n’est pas certain que l’Horlogerie Bijouterie Mollé a longtemps cohabité avec le Café des Sports , il semble que celui-ci l’a finalement remplacé.Vesoul rue Carnot, à gauche cohabitation très inusitée entre un salon de coiffure et une horlogerie alors qu’un autre coiffeur occupe le trottoir d’en face.Il apparaît nettement sur cette carte postale que le nom, et même le prénom, sont les mêmes sur la vitrine de l’horloger et du coiffeur, sans que l’on puisse imaginer aisément le passage d’une profession à l’autre.
ÉVOLUTION DES COMMERCES D’HORLOGERIE
La maison Valliot-Giraudel, J. Mas gendre ne comportait à l’origine qu’une vitrine et faisait l’optique en plus de l’horlogerie.Lorsque la boutique triple de volume, on conserve l’optique et l’on ajoute baromètres et statues dans les vitrines; il est évident que la taille des boutiques influent sur le type d’activités.
Les premiers horlogers, réparateurs /revendeurs, apparaissent lors de l’industrialisation de l’horlogerie et la diffusion de masses des carillons puis des réveils, soit à la charnière du XIX° et du XX°, occupant souvent de petites boutiques, voire toutes petites.Une porte vitrée et deux étroites vitrines sont la configuration la plus courante des horlogers.La vitrine est parfois à peine plus large que la porte.
Cette toute petite boutique, aux vitrines plus étroites que la porte, nous offre un petit clin d’oeil parce que sa propriétaire se nomme Gaultier et arbore une coupe de cheveux à la garçonne si chère au vibrionnant couturier Jean-Paul Gaultier, lequel ne renierait peut être pas ses étranges chaussures, disons baroques.
La vitrine de droite contient des réveils dont au moins sept sont coiffés de surmontoirs Jaz. Sa coupe de cheveux, popularisée à la fin des années 1920 par Louise Brooks dans le film Loulou, est tout à fait contemporaine de la mode des cavaliers à accrocher sur les bélières des réveils.
Le personnel se résume souvent au seul patron horloger.A Saint Pourçain l’horloger Durin n’a même pas de vitrine.L’horloger Péraud à Blois lui ne dispose même pas d’un pas de porte, puisqu’il est à l’étage, et que visiblement il a fortement intérêt à y rester, au moins en octobre 1907.
La profession de réparateur en horlogerie peut se contenter d’un espace extrêmement restreint pour s’exercer. La mobilité de ces micro-commerces permettait de suivre les foires très fréquentées à l’époque, le commerçant pouvaient même effectuer quelques petites ventes d’horlogerie.
Quel contraste avec le 12 boulevard des Capucines, en lieu et place du magasin Old England où votre serviteur allait acheter ses gants en pécari dans sa jeunesse lointaine. Bucherer propose à Paris la plus exceptionnelle vitrine horlogère du monde sur trois étages, couvrant 2200 m2 d’exposition avec 23 marques de montres, quelques pendules et de rares réveils. Bucherer offre à cette adresse le plus vaste choix au monde de montres Rolex avec plus de 1300 modèles disponibles.
Jusqu’à présent le record, reconnu au Guinness World Records Book , était détenu par le superstore horloger de Tourneau sur la 57° rue à New-York et ses 1400 m2 de surface.Record battu par Tourneau lui-même en 2005, avec l’ouverture du Tourneau Time Dome de Las Vegas et ses 1 580 m2, record que Bucherer vient donc d’atomiser à Paris avec les 2200 m2. Toutefois la compétition n’a plus de sens puisque Bucherer a racheté Tourneau en 2018 mais on y trouve ni cycles, ni vélos, ni machines à coudre.