
Régulateur de table belge par Marcel Bayot 1923 Ecole de Mécanique de Précision et d’Electricité de Bruxelles


Petite histoire belge : Belgique et horlogerie ne sont pas des mots que l’on associe intuitivement, et pourtant le pays n’a pas toujours été en reste dans ce secteur. Au XVIII°siècle, Liège devint une ville d’horlogers hors pair. Gilles de Beefe (1694+1763) et Hubert Sarton ( 1748+ 1812) ont dominé de leur personnalité toute une génération d’excellents horlogers mécaniciens. L’invention la plus célèbre de Hubert Sarton est la montre automatique à rotor. En la mettant au point, l’horloger a tout simplement révolutionné la technique horlogère. C’est en effet grâce à lui que les montres se remontent automatiquement. Malheureusement, ces autres horlogers hors ligne que sont les Boty, Gilles et Henry de Herve, Dieudonné Kinable, Lambert Joseph Laguesse, Michel Joseph Ransonnet, les Rossius, Gilles et Emile Rouma, Remacle Sotiau, et bien d’autres encore, sont totalement oubliés. Au tout début du XIX°, il y eut plus de cinq cents horlogers à Liège, mais qui se rappelle encore leurs noms ? Pas même les belges! Signe des temps et du recul de l’horlogerie domestique, de nos jours parmi les fournisseurs officiels de la Cour de Belgique, il n’y a que Cobimo-Cosyns, un distributeur de montres, uniquement, pas d’horloges, ni de réveils, évidemment. En revanche Michaël Van Gompen, de la Sprl Horlogerie Ancienne, est fournisseur breveté de la Cour de Belgique et il ne manque pas d’activités, en raison de l’impressionnant patrimoine des Palais Royaux.




Néanmoins au XX° la place du plat pays dans le paysage horloger s’effrite et le petit royaume n’a pas pris le tournant de l’industrialisation horlogère, laissant la place libre pour Jaz qui s’implante très tôt – dès les années 20 – sur ce marché si proche culturellement, économiquement et géographiquement. Nos voisins d’outre-Quiévrain partagent, outre la langue pour grande partie, des goûts communs, des habitudes de consommation et un pouvoir d’achat quasi identiques. Toutefois il s’agissait d’un trop petit marché et surtout trop proche pour y implanter un centre de production d’autant que les formalités et frais de douanes étaient supportables, comme pour tant d’entreprises françaises qui y exportaient leurs productions depuis des siècles. Pour ces raisons de proximité, la marque au jaseur boréal ne voit pas en la Belgique qu’un simple marché supplémentaire mais aussi un laboratoire d’essais et de tests. De nombreux Jaz ont été d’abord vendus aux belges au titre de marché-test. Cette stratégie permet de mesurer à moindre échelle, et donc à moindre coût, l’attrait des consommateurs ciblés en prenant moins de risque. La zone d’étude de marché peut se concentrer sur une ville, une région ou encore un pays, comme c’est le cas en l’espèce.



Le catalogue bilingue belge de 1950, en notre possession, nous affiche trois Jaz qui ne passeront pas la barre d’un test annuel et ne seront donc jamais distribués en France : CREUSIC , DROPIC et COQUIC .


Ces deux OFFIC ont été acquis en Belgique, ce qui justifie les quelques différences que l’on trouve parfois aussi sur d’autres Jaz destinés à l’export. Ainsi, pour celui de droite, le décor de son cadran n’est pas bicolore mais entièrement argenté et l’inscription transistor n’est pas dans la police de caractère habituelle utilisée par Jaz. La variante rouge de gauche n’est pas répertoriée. Les OFFIC y sont appelés CYRANO comme en Italie, rompant avec la tradition des noms en deux syllabes se terminant en-IC , ainsi que d’autres Jaz devenus ARAMIS , ARC de TRIOMPHE, ARLES, ATHOS , CHAMBERY , D’ARTAGNAN , EIFFEL , LOURDES , MILORD, OPERA , PORTHOS , RICHELIEU , TALLEYRAND TROCADERO ou VENDÔME .






Consultez notre article Jaz à l’exposition universelle de Bruxelles 1958



Le siège de Jaz Belgique, au 22 rue Grand hospice se trouvait donc dans le quartier central de Bruxelles , proche de celui des Quais. Au centre de la carte, la célèbre bijouterie De Witte, à laquelle nous avons consacré un long article illustré en tant que distributeur historique de Jaz à Bruxelles.








Afin de compléter notre visite horlogère chez nos chers voisins, pour la période contemporaine, il faut aborder le domaine des montres, exclusivement. Certaines entreprises belges travaillent pour donner leur propre vision et leur interprétation personnelle de ce qu’est l’horlogerie, et d’autres grandes maisons internationales, qui s’étaient misent à bouder le marché belge pendant une période, semblent revenir en force ces derniers temps ( suite à des désaccords entre distributeurs, les montres Citizen avaient, par exemple, disparu d’une grande partie du territoire belge pendant des années). La France voisine à une histoire horlogère forte qui renaît de ses cendres depuis quelques années. De plus en plus de sites et de blogs horlogers de qualité voient le jour, Jazlebontemps s’y taille sa petite part pour les réveils et horloges, et partagent régulièrement les succès-story « Made In France » dans le secteur à travers des articles complets et des vidéos qui font l’objet de vraies recherches. Le marché horloger français est composé de certaines marques d’antan que l’on voit revenir sur le devant de la scène comme LIP, ainsi que de nouvelles figures du secteur avec de jeunes horlogers passionnés bien décidés à montrer que l’hexagone n’a pas dit son dernier mot en matière de montres, comme Cambronne à la bataille de Waterloo, à 20 kilomètres au sud de Bruxelles.

D’ailleurs notre cher Julien Clairet, antiquaire de marques, gérant de Brand Access, actuel propriétaire de la marque Jaz, qui a déjà tenté une renaissance de la marque, il y a quelques années, nous réserve cette belle surprise en exclusivité. Les productions et les volumes des français sont bien maigres, lorsque l’on les compare aux montants et aux chiffres des géants suisses et japonais, mais les idées, la créativité et le savoir-faire sont bien présents. Le paysage horloger belge a de nombreuses similitudes avec ce constat français.



Quelques maisons se développent à leur rythme en Belgique en proposant des produits originaux et travaillés. C’est le cas par exemple de la marque Armogan qui propose des montres sportives inspirées de modèles vintages dans le secteur de la course automobile. Gavox est un autre bel exemple d’une maison belge qui prend de l’ampleur. Leurs montres se concentrent sur des styles en rapport avec l’exploration terrestre, aérienne ou marine et sous-marine. La marque Ice-Watch, le plus grand acteur belge, mais tout le monde ignore cette origine, fait un bruit phénoménal dans le secteur depuis quelques années. La marque a repris certains code du géant Swatch pour développer une marque très à la mode chez les jeunes. On notera même le retour de la célèbre marque Cadillac dont nous avons narré l’histoire rocambolesque de sa communication dans l’article De Witte.