La défaillance des pudeurs Roman par Christophe GIRARD 2006

Christophe Girard

 

 

Christophe GIRARD est généralement défini comme un homme politique puisqu’il a été Conseiller Régional d’Ile de France , Maire du IV° arrondissement de Paris et reste encore actuellement adjoint à la Maire de Paris . Militant de l’homoparentalité , il est lui même marié au réalisateur Olivier Meyrou . Comme Jack Lang sera toujours associé à la Fête de la Musique , il restera dans les mémoires pour avoir été l’initiateur de l’événement culturel des Nuits Blanches . On a pas oublié qu’il a grimpé pendant plus de vingt ans tous les échelons chez Yves Saint Laurent puis LVMH , ayant été découvert par Pierre Bergé à Tokyo . Parfaitement nipponisant , il est diplômé de littérature japonaise et démontre dans ce roman autobigraphique , qui est le premier de ses quatres livres , son talent d’écriture où il livre avec une grande pudeur et presque timidité son enfance au bord de la Loire, du côté d’Angers .                                                                                                                                                                                                                                                                      C’est une famille de quatre enfants , douce , sans excès , dans une forme de bonheur incertain . Et puis les choses basculent avec la mort d’une des deux soeurs . On ne sait pas très bien dans quelles circonstances. Ce mystère unit et sépare , pèse désormais sur les jours comme une chape de plomb puis engloutit la mère dans un désespoir lancinant . Un jour, elle disparaît à son tour dans la Loire , en un discret suicide .                                                                                                                                                                                Sans emphase ni pathos, le narrateur cherche à comprendre un mystère et peut-être les signes d’un destin mélancolique que seul un formidable appétit de vivre lui permettra de tenir à distance .  La défaillance des pudeurs est un joli livre d’images pour parler du deuil , du temps qui passe, de l’homosexualité, de la bisexualité, de la filiation, du suicide avec ce ton égal qu’offrent l’intelligence, l’équilibre et la distance.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour l’histoire de la présence de Jaz dans les foyers français , cet extrait de son livre est extrêmement représentatif de  plusieurs générations d’après guerre qui reçurent pour leurs communions comme cadeaux de leurs parrains ou marraines , le duo montre LIP et réveil JAZ . Rien n’obligeait l’auteur à citer ces deux marques mais il a finement senti que cette précision parlerait à beaucoup . L’entrée de Jaz dans l’univers des montres en 1970 bouleversera ce binôme traditionnel donc beaucoup de cinquantenaires et au-délà peuvent encore témoigner .                                                                                                                                                                                                                                           L’histoire des montres Jaz se trouve sur le site jazmontrevintage 

horlogerie-bijouterie-piard-montchaninCette répartition du marché chez les horlogers bijoutiers se faisait évidemment aussi avec les montres Oméga puisque la direction des deux maisons était la même . La consultation de nos articles illustrés sur les horlogers affiliés vous démontrera , par les images des vitrines d’époque , la distribution habituelles des rôles : les bijoux à Murat , les carillons à Vedette , les chronomètres à Lip , les montres à Oméga ou Zénith et enfin les réveils pour Jaz le plus souvent .

 

Ces quelques exemples de publicités Jaz pour la presse , qui ciblent les Premières Communions , sont autant de confirmation de cette tradition rapportée par Christophe GIRARD dans son roman La Défaillance des pudeurs 

SAN ANTONIO « J’suis comme ça » Roman de Frédéric DARD 1960

San Antonio 2.jpgSan Antonio  » J’suis comme ça » roman de 1960 par Frédéric Dard , réédition de 2005  Editeur Pocket  Fleuve Noir , chapitre V , page 53 .                                                                                                                                                                                                                                                           Le truculent Frédéric DARD nous prouve encore une fois que Jaz et réveil étaient absolument synonymes par antonomase au même titre que Frigidaire , Velux , Opinel , Scotch , etc . Inutile donc de préciser qu’il est question d’un réveil-matin . D’ailleurs il réemploiera le mot Jaz à la place de réveil-matin dans un autre roman en 1963 Le gala des Emplumés                                                                                                                                                                   Dès les années soixante de grands universitaires comme le sociologue Alfred Sauvy , le critique littéraire Robert Escarpit ou l’académicien Jean-François Revel se mettent à lire San-Antonio parce qu’ils cherchent à comprendre ses lecteurs : ils y voient à juste titre un document sans équivalent sur la culture de leur époque . Cette culture comprend les objets de consommation des classes populaires . DARD , qui citait déjà systématiquement les marques des belles voitures de son commissaire , n’est pas avare pour citer les marques emblématiques de cette  époque : Rustica , Maggi , Martini , Postillon , Bottin et donc Jaz . En l’occurrence avec ce Jaz sur une assiette pleine de monnaie il témoigne également d’une pratique bien oubliée mais courante à l’époque et que nous retrouvons d’ailleurs l’année suivante , en 1961 , dans le film Arrêtez les tambours de Georges Lautner .arretez-les-tambours

Remerciements à notre ami Stéphane https://sites.google.com/site/jazmontrevintage/ de nous avoir signalé cette nouvelle apparition d’un Jaz dans un roman . N’hésitez pas à nous contacter jazlebontemps@orange.fr ou sur notre site Facebook Jaz Le Bon Temps pour nous mentionner un roman ou un film évoquant un Jaz .

Le coeur des choses Alain Leblanc roman 1982

Objets inanimés, avez-vous donc une âme  Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?  Ce célèbre distique de Lamartine prend tout son sens dans cet étonnant roman dont Toine le narrateur est un vase de Limoges à l’instar de tous les protagonistes qui sont des bibelots comme Mme Ming est une lampe , Dudule une pendule de cheminée Louis XVI et Jaz un réveil évidemment ! Qu’un Jaz soit un héros de roman est déjà inédit et sans aucun doute unique mais les qualités qui lui sont attribuées à savoir ponctualité , fiabilité , discrétion et modestie ne peuvent qu’entraîner notre assentiment pour ce livre d’une grande poésie .

jaz-romanjaz-roman-2« Le cœur des choses », roman , 1982 , Flammarion , extraits pages 25/26/27/28 .  Alain Leblanc Prix de La Vocation à 25 ans .

La Disparition roman de Georges Perec 1968

LA DISPARITION est un roman  en lipogramme  écrit par Georges PEREC  en  1968 et publié en 1969. Il fait environ 300 pages et ne comporte pas une seule fois la lettre E    Quand il publie son roman La Disparition en 1969, Georges Perec fascine son public en écrivant un texte sans aucun mot contenant la lettre «e», un exploit . Un lipogramme , du grec leipogrammatikos, de leipein (« enlever , laisser ») et gramma (« lettre ») : « à qui il manque une lettre », est une figure de style qui consiste à produire un texte d’où sont délibérément exclues certaines lettres de l’alphabet . Démarche complexe qui s’inscrit parfaitement dans le mouvement de l’OULIPO  « l’OUvroir de LIttérature POtentielle» dont étaient membres Perec ou Raymond Queneau , qui s’étaient donnés pour mission de trouver des contraintes d’écriture susceptible de décupler leur potentiel créatif . Pour l’Oulipo , la contrainte lipogrammique permet d’exalter l’imagination , que résume Perec en ces mots « … qu’a contrario tout mot soit produit sous la sanction d’un tamis contraignant… ». Les mots pendules , réveils , horloge , réveille- matin , montre , tocante , chronomètre , chronographe , etc comportant tous un E , c’est naturellement Jaz que Perec emploie , certain qu’il était d’être compris tellement ce nom  était devenu synonyme de réveil , suivant en cela le souhait de Georges Scemma , publicitaire des origines de la marque et inventeur du nom Jaz , qui avait prescrit  :  Notons ceci : « Jaz », jamais « réveil Jaz » ; c’est inutile et même nuisible. On ne parle plus de réveil, il n’existe plus de mot, il est remplacé par son synonyme : un Jaz .                                                                                                                                                                    La Disparition du E affecte également la macrostructure externe du roman , qui est composé de 26 chapitres soit le nombre de lettres de l’alphabet et 6 parties pour le nombre de voyelles , puisque un observateur attentif remarquera l’absence du 5° chapitre et de la 2° partie correspondant à la place du E dans l’alphabet et l’ordre des voyelles .                                                                                                                                                                       Mais Claude BURGELIN , ami de l’auteur, explique le malentendu autour de la Disparition  : Le feu d’artifice verbal est si éblouissant qu’il aveugle. On mit des années avant de s’apercevoir que derrière ces jeux de massacre autour de la lettre interdite se dessine une fable sur le génocide des juifs . Et plus particulièrement ses propres parents puisque PEREC , né en 1936 de parents juifs polonais , se retrouve orphelin très tôt : son père engagé volontaire dans la Légion Etrangère meurt au front en 1940 et sa mère prise dans un rafle meurt en 1943 à Auschwitz . Perec très touché par la disparition de ses parents et soigné dès 1949 par Françoise DOLTO , allait élever des livres cénotaphes pour faire barrage à l’élimination hitlérienne . C’était sa façon d’avoir le dernier mot mais il avait l’élégance et la pudeur de les crypter comme dans Le Condottière où l’on retrouve les dates de mort de ses parents dissimulées .                                                                                                                                                            Cette mère , Cyrla Szulewicz , contrainte de porte l’étoile jaune était ouvrière chez JAZ avant d’être déportée , dès lors il n’est pas étonnant de la trouver évoquée dès l’incipit de la Disparition  : ce JAZ c’est sa mère …

 

Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.

 Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu’il passa sur son front, sur son cou.

 Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu’un glas, plus sourd qu’un tocsin, plus profond qu’un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.

 Sur l’abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l’aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s’avançait, traînant un brin d’alfa. Il s’approcha, voulant l’aplatir d’un coup vif, mais l’animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu’il ait pu l’assaillir.