Photo par le célèbre Studio Harcourt , le portraitiste d’exception des personnalités
Texte extrait de la Jazette n°16 de Décembre 1947 . Cette petite publication de quatre pages était adressée aux horlogers affiliés à Jaz , créée et rédigée par Paul Nicolas à gauche sur la photo , elle est d’ordinaire consacrée à la vie de l’entreprise . Ce numéro spécial est entièrement consacré au décès de l’un des fondateurs de la marque .
Photo par Willy Ronis (voir notre article sur ce photographe ) Des fondateurs de Jaz , L-G. Brandt était le seul » horloger » mais lequel ! Il est issu de la famille fondatrice d’Oméga qui est encore de nos jours la première marque du groupe Swatch et réalise un chiffre d’affaires d’environ deux milliards d’euros , ce qui en fait la seconde au niveau mondial derrière Rolex . Pour expliquer la présence de Monsieur Brandt à la tête de Tissot également , il faut savoir que les deux entreprises étaient unies depuis 1930 au sein de La Société Suisse pour l’Industrie Horlogère ou SSIH , véritable holding qui leur permettra de traverser sans trop de dommage la grande dépression de 1930 qui frappe durement toute l’industrie horlogère . Pour Jaz , ce qui est important de savoir , c’est que dès 1879 , les deux fils de Louis Brandt fondateur de la dynastie , Louis-Paul et César Brandt , décident de se lancer dans la fabrication industrielle dite « à l’américaine ». En raison de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée , de surfaces disponibles et de l’opposition de leurs concurrents , tous installés à La Chaux-de-Fonds , cette ville ne leur paraît pas convenir . Ils s’installent définitivement à Bienne , mieux située sur le plan logistique : transports, main-d’œuvre, fourniture d’énergie , etc . Dès janvier 1880, ils lancent leur premier calibre fabriqué par des procédés mécaniques Ces points essentiels , nous les retrouvons à la création de la première usine Jaz implantée à Puteaux pour les qualités logistiques de cette commune parisienne bien desservie en énergie avec la Centrale Electrique Ouest Lumière , en voies routières et navigables d’acheminements pour les fournitures , en transports en commun pour le personnel et en main d’oeuvre certes peu qualifiée mais censée être plus « gérable »que celle de la banlieue est -parisienne , qualifiée de très rouge . Enfin le plus important est que Jaz applique aussi pour la fabrication de ses réveils des procédés industriels mécaniques à l’américaine : rationalisation , standardisation et taylorisation permettent une fabrication à la chaîne en grande quantité d’un produit de qualité constante à prix compétitif produit par des ouvriers moins qualifiés donc moins chers . L’originalité de Jaz par rapport à Oméga sera une publicité hors normes , particulièrement au cinéma , initiée par Georges Scemama et magnifiée par Paul Nicolas .
Louis- Gustave Brandt décroche le dix millionième Jaz , en Juillet 1943 , à l’usine de Puteaux .
Eloge funèbre par Paul Nicolas , qui nous apprend autant sur les talents oratoires de celui qui va lui succéder , que sur Louis Gustave Brandt inhumé au cimetière de Saint Germain en Laye . LA DYNASTIE BRANDT
- Né en 1825, Louis Brandt est le fils de Frédéric-Louis Brandt , horloger à La Brévine. Il a travaillé durant quelques années dans l’entreprise paternelle à la production d’échappements ancre et duplex . Ceux-ci ne sont alors utilisés que dans l’horlogerie de précision . Le jeune Louis Brandt vient de fêter ses 23 ans lorsqu’il se marie et quitte sa Brévine natale pour aller s’établir à la Chaux-de-Fonds .
- En juin 1848 , il se met à son compte avec son comptoir d’établissage , ce qui consistait à assembler des pièces d’horlogeries fabriquées par de petits ateliers , souvent familiaux . Pour une bonne partie des horlogers jurassiens, l’horlogerie était ainsi une activité à temps partiel qui se substituait au travail principal , l’élevage bovin fréquemment , durant les rudes hivers . C’est donc tout naturellement dans ce domaine de l’horlogerie de précision , avec lequel il est familiarisé , qu’il se spécialise , fabriquant surtout des montres goussets à clef , avec boîtiers en argent . Naissance de quatre enfants , dont les deux derniers : Louis-Paul né en 1854 et César né en 1858 , père de Louis -Gustave fondateur de Jaz , s’impliqueront dans la société familiale . A 19 ans , Louis-Paul Brandt passe une année en Allemagne , puis deux ans en école d’horlogerie . En 1876 , les deux frères partent en stage en Angleterre .
- Deux ans plus tard , César rentre à son tour d’Angleterre pour s’occuper des ventes , Louis-Paul se consacrant essentiellement à la technique . Leur père décède en 1879 à l’âge de 54 ans ! Les deux frères s’associent à leur tour formant entre eux une nouvelle société en nom collectif qui conserve cependant la raison sociale Louis Brandt et Fils . A peine devenus leurs propres maîtres , ils décident d’abandonner le système de l’établissage pour transformer leur maison en manufacture travaillant par procédés mécaniques . Comme La Chaux-de-Fonds ne leur semble pas être le milieu le plus favorable à l’épanouissement d’une nouvelle manufacture, en raison de la pénurie de main d’œuvre, de surfaces disponibles , d’approvisionnement énergétique et de l’opposition que les concurrents et même la population y manifeste contre ce genre d’entreprise , ils s’installent à Bienne .
- Les frères Louis-Paul et César Brandt lancent en janvier 1880 leur premier calibre réalisé par procédés mécaniques dans leur toute nouvelle manufacture biennoise : un remontoir bon marché à échappement cylindre, vendu en boîte argent ou métal . Les résultats sont très concluants. Cette innovation réussie donnera peu après naissance aux premières marques de la maison : Jura , Patria , Helvetia , Décimal et tout spécialement Gurzelen , qui connaît immédiatement un grand succès. 1880 : Naissance de Paul-Emile Brandt, fils aîné de Louis-Paul . Il étudiera à Bienne , à l’École polytechnique fédérale de Zürich et à l’Université Cornell aux Etats-Unis. A fin 1881, l’usine compte déjà 250 personnes.
En octobre 1882, naissance d’Adrien Brandt, deuxième fils de Louis-Paul et frère de Paul-Emile . Il est grand temps de voler à votre aide , par un schéma , pour mettre de l’ordre dans la compréhension de cette grande famille d’horlogers qui n’a rien fait pour nous faciliter la vie , allant même jusqu’à donner à tous ces descendants mâles des prénoms comprenant toujours celui de leur ancêtre Louis, certains ne figurant qu’au niveau de l’État Civil !
Arbre généalogique simplifié de la dynastie Brandt ne mentionnant que les descendants de Louis Brandt ayant joué un rôle actif au sein d’Omega et du groupe SSIH.
On y voit également les deux fils de César : Ernest (1885+1958) et notre Louis-Gustave simplifié en Gustave .
En début des années 1920 , le Conseil d’Administration d’Omega était présidé par Adrien Brandt et comptait Paul-Émile Brandt et les deux frères Gustave Brandt et Ernest Brandt en tant qu’administrateurs .
Réseau de la famille Brandt en 1939 : on notera que l’ histoire de la famille Brandt étant axée par les collectionneurs et les industriels autour d’Oméga , marque suisse de montres , le volet Jaz est généralement éludé s’agissant pourtant d’une des premières marques mondiales d’horlogerie fondé par un des membres imminents de cette lignée . Toutefois Jaz présente , à leurs yeux , deux tares rédhibitoires : ce sont des réveils qui plus est , français …et pas des montres forcément et obligatoirement suisses . C’est oublier que Jaz a longtemps dépassé Oméga en production , en chiffres d’affaires et en renommée mondiale .
Source de ce petit historique de la dynastie Brandt : la Société des Amis du Musée Oméga et le discours de son président , Jacques-Alain Voirol , ex-cadre Finances d’Omega et du Swatch Group , pour le 25° anniversaire de la SAMO en 2019 . Inauguré en 1983, le Musée Omega, est le premier musée horloger de marque du monde . Créé à l’initiative de la Fondation Adrien Brandt en faveur du patrimoine Omega , fondé l’année précédente par Charles L. Brandt , dernier descendant de la dynastie fondatrice à avoir exercé une activité au sein d’Omega .
Depuis 2019 , il est intégré dans l’extraordinaire bâtiment de la Cité du Temps .
Temple Grec , montre de JFK , Speedmaster lunaire et Dali Le musée est en outre d’une richesse exceptionnelle : on citera la première montre-bracelet à répétition minutes du monde datant de 1892 , la première montre de poche portant la marque Omega en 1894 , la montre de poche « Temple grec » lauréate du Grand Prix de l’Exposition universelle de Paris en 1900 , le chronographe-bracelet de Lawrence d’Arabie (1915), la montre de poche joaillerie à répétition minutes du Négus d’Abyssiniede 1929 , la première montre de plongée du monde de 1932 , le chronographe de poche des premiers JO chronométrés officiellement par une seule et même marque en 1932 , le chronomètre de bord détenteur des records du monde de précision 1933 et 1936 records restés à jamais inégalés , la Centenary du roi Frederick IX du Danemark en 1948 , la première caméra photofinish moderne de 1949 , la montre-bracelet de l’ex-impératrice Soraya (1950), la Croix du Mérite Olympique honorant l’introduction du quartz dans le chronométrage des JO (1952), la montre-bracelet or de John F. Kennedy (1960), la première Speedmaster portée en orbite par l’astronaute Walter Schirra en 1962 , le Silver Snoopy Award décerné par la NASA en 1970 pour rendre hommage au rôle capital joué par ce chronographe dans le sauvetage de la mission Apollo 13 , la statuette-pendulette La Prémonition des Tiroirs de Salvador Dalí de 1973 , la Marine Chronometer de 1974 montre-bracelet à quartz la plus précise du monde ou l’Omega Constellation platine joaillerie d’Elvis Presley 1958, record du monde des ventes aux enchères dans sa catégorie en 2007 à 1,8 million de dollars .