Horlogerie et diplomatie

Si les représentations de la Diplomatie sont exceptionnelles , les horloges ont toujours été des cadeaux diplomatiques ; selon le père de l’anthropologie française, Marcel Mauss, le don est essentiel dans la société humaine et comporte trois phases : l’obligation de donner, l’obligation de recevoir et l’obligation de rendre, principes auxquels les cadeaux diplomatiques adhérent absolument.

Quand Christian Hyugens 1629+1695 ne découvre pas des planètes ou l’isochronisme de la cycloïde, ne démontre pas que la biréfringence se propage de façon anisotrope ou ne formule pas la théorie ondulatoire de la lumière, il fait des choses d’une très grande banalité comme révolutionner l’horlogerie en créant l’horloge à pendule puis invente le ressort spiral ; à son actif, ajoutons qu’il pratique la rhétorique et l’escrime, joue du luth, de la viole de gambe et du clavecin, monte à cheval, chasse, chante, danse, patine sur glace et peint, tout cela avec un talent égal. En outre, il maîtrise le grec, le latin, l’italien, le français et sa langue maternelle le néerlandais, évidemment. Cette éducation exceptionnelle, il la doit à son propre génie et à son père Constantijn lui même poète , écrivain , luthiste et …ambassadeur ! Le père du père de l’horlogerie moderne était donc diplomate , mais on ne l’avait pas attendu pour faire de l’horlogerie un instrument diplomatique.

Vers l’an 500, le roi d’Italie Théodoric le Grand offre à Gondebaud, roi de Burgondie, un cadran solaire et une horloge hydraulique

Afin de concurrencer la florissante Compagnie néerlandaise des Indes orientales  , Louis XIV envoie un émissaire au Siam ( actuelle Thaïlande) qui répond en 1681 par l’envoi de trois ambassadeurs siamois, lesquels embarquent à Banten à bord du Soleil d’Orient, le fleuron de la Compagnie Française des Indes Orientales . Il transporte dans sa cale une précieuse cargaison de plus de 800 000 livres d’étoffes de coton, de soie, d’épices, d’or, d’argent, de pierres précieuses et des trésors des pagodes du Siam, destinée au « roi d’Occident »ainsi que deux éléphants destinés au duc de Bourgogne et au duc d’Anjou, les petits-fils de Louis XIV, mais le navire fait naufrage  au large de Madagascar . En 1686  la deuxième ambassade siamoise parvint cette fois à Versailles apportant de vastes quantités de présents à Louis XIV. Parmi eux se trouvaient de l’or, des carapaces de tortue, des tissus, tapis, plus de 1 500 pièces de porcelaine, ainsi que des meubles en laque. Deux canons siamois en argent furent donnés en présent à Louis XIV et par un curieux effet du hasard ces canons auraient été saisis par les révolutionnaires en 1789 pour être utilisés à la prise de la Bastille

Cette deuxième mission siamoise , menée par Kosa Pan, commanda de grandes quantités de produits français destinés à être expédiés à la cour siamoise : 4.264 miroirs semblables à ceux de la galerie des Glaces pour décorer le palais du roi Narai. Parmi les autres commandes, 160 canons, des télescopes, des lunettes, des pièces de velours, des éléments décoratifs en cristal et bien évidemment des horloges, dont les émissaires français avaient eu la bonne idée d’offrir quelques exemplaires lors du premier contact avec Narai le Grand.

Avril 2017: le Roi d’Espagne, l’Empereur, et leurs épouses, montrent un vif intérêt pour une horloge qui avait été offerte par le Roi Felipe III d’Espagne en 1611. Elle a été conçue par un horloger flamand des Flandres, alors provinces espagnoles. Elle sonne les heures et sert aussi de réveille-matin.

Méhémet Ali, gouverneur de l’Egypte, était fort généreux avec ce qui n’appartient pas à son patrimoine, puisqu’il n’est pas du tout égyptien mais d’origine albanaise, né en Macédoine orientale (actuelle Grèce ) qui avait conquis l’Egypte à la force des cimeterres et des pires fourberies : comme inviter les dernièrs chefs mameluks à un immense festin à base de poisons mortels. Donc le Pacha, qui n’est pas chien, nous offre un cadeau  beaucoup plus pérenne et conséquent avec l’Obélisque de Louxor, au début de 1830. En fait il nous offre les deux obélisques érigés devant le temple de Louxor, mais seul celui de droite (en regardant le temple) est transporté vers la France. Le président François Mitterrand, annonça officiellement le 26 septembre 1981 que la France renonçait définitivement à prendre possession du deuxième obélisque, resté sur place, restituant ainsi sa propriété à l’Égypte. Pour l’anecdote, le piédestal d’origine n’a pas été érigé avec l’obélisque lui-même à la Concorde par décence et pudeur en raison de la décoration représentant seize babouins avec le sexe en érection.

Mais que vient donc faire cet obélisque dans notre inventaire horloger ? L’astronome Camille Flammarion avait déjà eu l’idée, en 1913, d’utiliser l’obélisque comme gnomon, mais la guerre de 1914 l’empêche de concrétiser. Sa veuve convainc Daniel Roguet, architecte de l’observatoire de Juvisy, de reprendre le projet, lors de l’exposition universelle de 1937. Des travaux sont entrepris en 1939, mais la seconde guerre mondiale les interrompt.

À l’initiative de la Société astronomique de France, la réalisation du « cadran solaire horizontal » est effective depuis le , jour du solstice d’été. L’ombre de l’obélisque indique l’heure via des lignes ou clous au sol partant de l’obélisque, traversant la partie nord de la place de la Concorde, et se terminant par des chiffres romains en bronze. Seules les lignes entre h et 17 h figurent. Les courbes des solstices et la ligne des équinoxes ont également été marquées au sol. La place de la Concorde est donc devenu un des plus grands cadrans solaires du monde. Le record mondial est français, il est tracé sur la voûte du barrage hydroélectrique de Castillon, situé dans le haut-Verdon, il couvre une surface d’environ 13.000 mètres carrés

Après guerre le général De Gaulle choisira plusieurs fois la Maison Cartier pour des cadeaux de prestige comme cette pendule mystérieuse, dite Borne de la Liberté, qui fut offerte en 1945 à la Reine Elisabeth en Bavière, troisième Reine des Belges – portant ci-dessus un diadème par Cartier- et une autre à Staline. Nous éclairons le choix de cette maison prestigieuse et patriote dans notre article Le Général De Gaulle et Cartier.

Jaz n’est pas en reste, évidemment, en matière de diplomatie, qui plus est auprès d’un Empereur, consultez notre article un Noric pour l’Empereur Bao-Daï .

Cette montre en or signée Breguet accompagnée de sa chaîne en or par Chaumet avait été offerte par le Roi du Maroc au Président français en 1983. En effet le Roi Hassan II, passionné de montres Breguet, a offert à ses invités de marque des créations signées de la prestigieuse maison horlogère suisse, pendant une trentaine d’années. Référencée ainsi dans les archives Breguet « 1242 : montre de poche en or jaune 19 lignes des quarts. Fabrication : 1976. Vendue le 27 janvier 1983 pour la somme de 240.000 FFR soit environ 37.000 € au Roi du Maroc .

En 2015, la montre est mise en vente par le cercle intime de l’ex-président socialiste . Estimée entre 5 000 et 8 000 €, elle adjugée pour seulement 16.250€ : la famille Mitterrand ne fait donc pas une belle affaire, d’autant moins qu’on lui reproche de pas l’avoir versé au musée du Septennat de Château-Chinon, essentiellement par rancune politique parce qu’aucune obligation légale de ce type n’affectaient alors les cadeaux diplomatiques. Un cadeau diplomatique se fait lors d’une visite d’état, la plus haute forme de contact diplomatique entre deux pays, ou lors d’un voyage de travail, mais pas lors d’un voyage privé comme le monarque chérifien en effectue régulièrement, en son château de Betz dans l’Oise, ou inversement si Mitterrand se rend en vacances au Maroc. Sauf que la date d’achat correspond tout pile au premier jour de la visite officielle du Président français au Maroc en 1983; il s’agirait donc bien d’un cadeau diplomatique, sauf que si l’objet est personnalisé pour son récipiendaire, il n’est logiquement plus un cadeau à l’Etat qu’il gouverne. Or cette montre arbore les initiales de François Mitterrand. En outre la montre, d’après la facture, n’a pas été payée par le royaume marocain ou son ambassadeur, mais par le Roi sur sa fortune personnelle, estimée à plusieurs milliards de dollars. Sa famille était donc bien en droit de la vendre, d’autant qu’en droit français « en fait de meuble, possession vaut titre ». Reconnaissons que c’est déontologiquement un peu limite, mais légalement tout à fait admissible. La montre a été remise en vente en 2016 par son dernier propriétaire pour 256.000 € soit plus de sept fois son prix initial. Une valeur vénale bien évidemment accrue par le fait qu’elle a été détenue par un président.                                                                   

Il faudra attendre que soit nommé comme Premier ministre François Fillon, très attaché à la moralité des autres en politique, pour qu’une simple circulaire vienne préciser les règles du « jeu » : « Les cadeaux offerts aux membres du gouvernement ou à leur conjoint, dans le cadre de l’exercice des fonctions gouvernementales […], sont pour leurs auteurs la manifestation de la volonté d’honorer la France. C’est donc à l’État qu’ils s’adressent, au-delà de la personne du récipiendaire. Il est par conséquent normal qu’ils n’entrent pas dans le patrimoine personnel du ministre ou de sa famille. Ce principe doit être concilié avec la nécessité de ne pas désobliger les personnalités, notamment étrangères, qui souhaitent honorer des membres du gouvernement ou leur conjoint. 

                                              

A George W. Bush, «Il Cavaliere» a offert, entre autres, une statue d’une valeur de 30 000 euros et de très onéreuses montres, dont une Patek Philippe Calatrava vendue 14 500 $, deux Franck Muller soit 12 000 et 10 900 $, une Piaget à 5900 $, une Cartier 3950 $ et Hublot valant 2200$. Aucune de ces marques n’est italienne. D’autres ont fait des cadeaux plus adaptés au personnage. Ainsi le roi Abdallah de Jordanie a offert en 2004 une véritable cargaison d’armes à George W. Bush, qui comprenait onze revolvers, carabines et pistolets pour une valeur totale de 12 000 $. Le monarque jordanien lui a également offert un fusil de précision de 10.000$ dont l’étui portait la mention : « A mon cher ami, George W. Bush, Abdallah II» . Plus étrange encore, le cadeau du Premier ministre pakistanais, Youssouf Raza Gilani, en 2008 : un pistolet mitrailleur plaqué or… accompagné d’un livre de Benazir Bhutto intitulé «Pour une réconciliation : l’Islam, la démocratie et l’Occident». Toutefois les présidents des Etats-Unis n’ont que l’usufruit de ces très nombreux et parfois somptueux cadeaux. Dans la plupart des cas, ils sont pris en charge par les Archives nationales et emportés à midi, le jour de la passation de pouvoir du Président suivant.

Les Obama ne sont pas en reste : en 2015, l’émir du Qatar leur avait offert un coucou plaqué or «qui pépie, tourne et bat des ailes toutes les heures», précisait l’administration. Valeur : 110.000 $.

LA DIPLOMATIE ANIMALE

La diplomatie par les animaux est une autre grande constante des échanges internationaux. Attestée dès l’Antiquité, cette diplomatie prenait traditionnellement la forme d’animaux exotiques (lions, éléphants, girafes…) ou domestiques (chevaux, chiens, rapaces) offerts en cadeau entre chefs d’État. À compter du XXe siècle, elle a été davantage perçue comme une forme de soft power et a été intégrée par certains États dans leurs stratégies de diplomatie publique; l’exemple le plus célèbre est la diplomatie du panda pratiquée par la Chine.

Le cheval de Troie  « Timeo Danaos et dona ferentes » ou « Je crains les Grecs, même lorsqu’ils font des cadeaux » , est une fameuse citation , donnée dans l’Énéide , à travers le récit de Didon à Énée, qui faisait allusion au plus illustre des cadeaux diplomatico-animaliers, lequel devrait inciter à la méfiance envers certains dons ; d’ailleurs un cheval de bois aurait du éveiller les soupçons des Troyens sur le manège des Hellènes .

On retrouve cette citation dans Asterix et Obelix, chaque fois qu’il est question de Tragicomix. Pas trouvé par Uderzo, mais par votre humble serviteur, donc tout aussi apocryphe, ce conseil donné à Toma, le plus âgé des assaillants cachés dans le ventre du cheval pour résoudre cette lutte intestine : « Dis donc l’aîné, une fois dans la place, par prudence, laisse Toma dans l’étalon! »

L’éléphant blanc de Charlemagne . En 797, alors qu’il n’est encore que Roi des Francs, le futur Empereur envoie des ambassadeurs pour nouer une alliance diplomatique et commerciale avec Haroun al-Rachid: le calife des Milles et une Nuits c’est lui! Il règne alors depuis Bagdad sur un territoire immense, qui court du Maghreb à l’Inde, lequel lui offre un éléphant blanc, le fameux Abul-Abbas, apparemment sans le mode d’emploi. Effectivement lorsque l’Empereur « à la barbe fleurie » décide de mater les Danois, le pauvre pachyderme accompagne ses troupes dans les froidures du Nord. Si bien qu’au bout de huit ans de ce genre de régime et de climat européen, il meurt de pneumonie dans la ménagerie d’Aix-la-Chapelle en 810, probablement après avoir nagé dans le Rhin. Cadeau plus pérenne, l’horloge à eau ou clepsydre, qui accompagnait l’animal albinos puisqu’à cette époque les arabes, héritiers du savoir des Grecs, excellait en la matière. 

Le pape Léon X adorait son éléphant Hanno, qui lui avait été offert par le roi du Portugal. Il lui rendait régulièrement visite. L’éléphant a participé à plusieurs défilés durant lesquels il était acclamé par la foule. Lorsqu’il est tombé malade, les médecins ont diagnostiqué une angine. Ils l’ont soigné avec des remèdes à base d’or. Hanno n’a pas survécu à un tel traitement et le pape, effondré par sa mort, est longtemps resté inconsolable.

Pour entretenir des rapports cordiaux avec le roi portugais, Manuel 1er, et surtout continuer de lui vendre des épices, le sultan indien de Gambay lui offrit un cadeau original : un rhinocéros. Personne n’avait vu un tel animal en Europe depuis l’empire romain. Ulysse débarqua donc à Lisbonne en 1515. Le roi qui voulait savoir qui du rhinocéros ou de l’éléphant était le plus fort organisa un combat ! Apeuré, le pachyderme recula face à Ulysse qui fut déclaré victorieux. Il se noya peu après alors que le roi portugais l’envoyait par la mer pour l’offrir au pape: Ulysse vaincu par la mer .

La girafe Médicis est une girafe qui fut offerte à Laurent de Médicis en 1486, probablement par Al-Ashraf Qaitbay, le sultan mamelouk burjite de l’Égypte, dans une tentative diplomatique de se rapprocher des Médicis. Son passage dans les rues de Florence fut immortalisé par les plus grands peintres : Domenico Ghirlandaio, Raffaello Botticini, Giorgio Vasari et Francesco Bacchiacca prouvant qu’il n’est pas si inutile de peindre la girafe.

Peigner la girafe signifie faire un travail inutile, ou mieux, ne rien faire. Mais d’où peut donc bien venir cette paresseuse expression ? Probablement de Zarafa qui fut offerte en 1826 par le Pacha d’Egypte, Méhémet Ali au roi de France, Charles X. Méhémet Ali, qui ne semblait pas savoir que l’on ne se défait pas d’un présent, l’avait lui-même reçu cette girafe en cadeau de Mouker Bey, un seigneur du Soudan. Ce fut la première fois qu’une girafe vivante vint en France. La bête fut bien sûr fort bichonnée, avec quatre personnes mises à son service, dont une chargée de la peigner. Pas épuisant. Il y aurait aussi eu à la même époque, en 1827, un gardien au Jardin des plantes réputé pour se tourner les pouces mais doté d’un certain sens de la formule, puisque chaque fois que son supérieur lui demandait où il était passé, il répondait : «Je peignais la girafe.»

 Les plus coquins qui se passionnent pour cette expression penchent plutôt du côté des pratiques masturbatoires, la girafe ayant un long cou, aisément assimilable, par les plus vantards, à un sexe turgescent. Cela n’a pas échappé à Boris Vian dans Vercoquin et le plancton, où il fait explicitement une allusion à l’onanisme: «J’ai tellement peigné ma girafe qu’elle en est morte». Mais quel rapport avec le fait de ne rien faire ? il suffirait de penser au mot «branleur» pour que tout s’éclaire… On notera enfin que l’expression «peigner la girafe» a de sympathiques équivalences telles que « coincer la bulle »  ou plus explicites dans le monde,  «pisser dans le sable» (Algérie), «faire un trou dans l’eau» (Grèce), ou «faire un nœud à une goutte d’eau» (Brésil).

Après sa mort le de tuberculose bovine due à l’ingestion quotidienne de lait de vache, elle a été naturalisée, et fait désormais partie de la collection zoologique du Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle

L’éléphante de Louis XIV (née vers 1664 et morte en 1681 au château de Versailles, soit 17 ans seulement) était un cadeau du roi de Portugal au roi de France Louis XIV. Il s’agit de l’unique éléphant africain dont la présence est attestée en Europe entre 1483 et 1862. Après sa mort en 1681, l’éléphante a été disséquée par le frère du conteur Charles Perrault, l’architecte du Louvre Claude Perrault, lequel meurt de septicémie en 1688, infecté par une piqûre au cours d’une autre dissection, celle d’un chameau! L’éléphante, à l’état de squelette, est aujourd’hui exposé au Muséum national d’histoire naturelle, à la galerie d’Anatomie Comparée. Le pauvre animal a subi un ultime outrage en 2013 quand un voleur s’est introduit nuitamment dans la galerie. L’incident n’a pas duré plus de trois minutes, le temps pour le jeune homme de découper près de 90% de la partie visible de la défense et de prendre la fuite par la fenêtre qu’il avait brisée. Quand les agents de la sécurité sont arrivés sur place, la tronçonneuse fonctionnait encore, mais le voleur a été aussitôt arrêté par la police dans une rue voisine du Muséum

En 1825, le deuxième président des États-Unis, John Adams, a hébergé durant plusieurs mois dans la salle de bains de la Maison-Blanche un alligator que lui avait offert le général français Lafayette, héros de la Révolution américaine, qui a cru bon de donner un animal dangereux, certes endémique mais du pays hôte qui en regorge, comme s’il avait coupé un bouquet de fleurs dans les pare-terres de la Maison Blanche pour l’offrir à la première dame. Je me méfie des français, surtout quand ils font des cadeaux. 

En 1998, un éléphant d’Afrique mâle d’à peine 26 mois a été offert en cadeau diplomatique du Zimbabwe à l’Inde. Shankar a reçu son nom en l’honneur du neuvième président indien, le Dr Shankar Dayal Sharma. Shankar, aujourd’hui âgé de 24 ans, a vécu toute sa vie au zoo de Delhi . Depuis 2005, son seul compagnon Bombai, est décédé et Shankar vit depuis dans un isolement total. Shankar est enchaîné 17 heures par jour et n’a pas suffisamment d’espace pour se déplacer lorsqu’il est relâché. 

le président des Etats-Unis serre la trompe de Jayathu, une éléphantelle de 18 mois. Jayathu connaîtra un sort malheureux, chroniqué par la presse : confié au National Zoo, l’animal meurt un peu plus de deux mois après son arrivée, victime d’un parasite. Son statut d’offrande diplomatique ne l’a pas immunisé des virus ou de la bêtise humaine qui consiste à offrir des animaux sauvages.

Ronald Reagan dit son «plaisir tout particulier» à accueillir cet animal, symbole de son parti, les Républicains, et dont le nom signifie «victoire». L’éléphant a été offert par le président du Sri Lanka. Comme on dit «first lady» pour la première dame, le New York Times ironise : «Et maintenant, un first elephant».

Genji ce cheval de race Akhal-Teke à la robe dorée a été offert par le président turkmène. François Mitterrand en a fait cadeau à sa fille Mazarine.

Après son arrivée en France , le devenir de l’équidé semble mystérieux. Mais pourquoi tant de discrétion sur ce cheval de la République ? Et si finalement le cheval cachait un secret bien plus important. C’est bien ce qui a mis la puce à l’oreille des journalistes qui découvrirent par hasard en creusant derrière cette histoire, Mazarine Pingeot, la fille cachée de François Mitterrand.

Les journalistes de Libération ne s’étaient pas trompés lors de leurs premières investigations. La plus récente et la moins connue des résidences présidentielles , la château de Souzy-le-Briche, dotée de hauts murs d’enceinte, d’un terrain de 14 hectares et d’écuries était bel et bien liée à l’étalon Akhal-Teke. Mais ils ne pensaient pas que ce lien était en réalité la fille cachée de François Mitterrand dont personne n’avait encore connaissance. D’où la grande discrétion du président à ce sujet. Mort en février 2010 des suites d’une colique, Gend Jim restera un cheval de légende qui aura malgré lui contribué à la notoriété en France depuis maintenant près de 20 ans de la race Akhal-Teke. 

Pour resserrer les liens entre le Royaume-Uni et la France, VGE sait que cela doit passer par la reine. En juin 1976, il s’envole avec son épouse Anne-Aymone en direction de Londres. Le couple présidentiel est accueilli directement par Elizabeth II et le prince Philip à leur sortie de l’avion. Valéry Giscard d’Estaing assiste à un dîner d’Etat organisé au palais de Buckingham en présence de toute la noblesse anglaise. Le président est aux anges. Ce jeune chef d’Etat de 50 ans adore l’univers guindé de l’aristocratie britannique. Mais ce n’est pas au goût de la reine.

Elizabeth II n’apprécie guère ses attitudes snobes, se prenant presque pour un roi sans couronne.  Avant de quitter les îles britanniques, l’ambassadeur de France au Royaume-Uni demande ce qui pourrait lui faire plaisir. Réponse « Un chien de la chienne de la reine ». Il repart donc avec un rejeton des nombreux chiens de Windsor. Ce labrador noir du nom de Samba avait été éduqué en anglais, c’est donc en anglais que le président s’adressera à lui: so british !

Parmi les autres animaux offerts à la France, on peut encore citer pêle-mêle : un oryx de Djibouti offert en 1986 par le Tchad, un ours malais, des tortues Sulcatas, un singe Brazza, un python Seba, des tigres du Bengale offerts à Georges Pompidou, des bisons d’Europe offerts à Giscard d’Estaing, des éléphants dont Kaveri, une éléphante d’Asie offerte à François Mitterrand par le Premier ministre de l’Inde, Rajiv Ghandi, pour l’inauguration de l’Année de l’Inde en 1985. Depuis le premier étage de la tour Eiffel, le fameux cadeau est dévoilé au monde, sans magie aucune. Les Parisiens découvrent un éléphanteau apeuré de 500 kilos, maquillé, peinturluré comme un Ganesh de poche. Kaveri, femelle indienne de 18 mois, pose à côté de Danielle Mitterrand. La Première dame se prend d’affection pour l’animal abasourdi et vient ensuite lui rendre visite au zoo de Vincennes à plusieurs reprises où elle retrouve le bestiaire cité plus haut . La vedette n’intéresse pas le Président, plutôt friand de labradors et d’ânes. Et puis les éléphants, il y en a déjà tellement au PS…

 

                                                                LA DIPLOMATIE DU PANDA

La diplomatie du panda est une pratique utilisée par la Chine consistant à offrir des pandas géants en cadeau afin d’entamer des relations diplomatiques avec un nouveau pays ou afin d’améliorer celles déjà existantes. Cette pratique, déjà utilisée sous la dynastie Tang, de 618 à 907, a connu son apogée sous la Chine maoïste. C’est à la suite de la formation de la République populaire de Chine en 1949 que l’expression « diplomatie du panda » a commencé à être utilisée.

En Chine, le Panda est considéré comme un « trésor national » et lorsqu’il est offert, un tel cadeau ne peut se refuser. Cependant, sous la pression des environnementalistes, cette politique a officiellement cessé en 1984 et a été remplacée par des prêts à long terme accordés à des zoos étrangers. Exception faite du couple offert à Taïwan en 2008, nommés Yuan Yuan et de Tuan Tuan , à traduire par unité et réunion pour ceux qui n’auraient pas bien saisis la volonté constante de Pékin de phagocyter son petit voisin qu’elle voit comme une province rebelle . »Je crains les chinois, surtout lorsqu’ils font des cadeaux

En 2013, François Hollande reçoit un chameau des autorités maliennes en 2013 pour le remercier d’avoir envoyé des troupes françaises pour intervenir contre les rebelles islamistes. Lequel, avec l’humour qu’on lui connaît, avait déclaré qu’il s’en servirait autant que possible comme moyen de transport. Le camélidé récalcitrant a fait beaucoup de bruit et ne semblait pas aimer Hollande: le chameau! Il a donc été décidé de le laisser à une famille malienne pour s’occuper de lui, en attendant ses vaccins. Ils ont peut-être mal compris leur mission et ont abattu l’animal qu’ils ont transformé en ragoût

La chancelière allemande Angela Merkel a reçu un poulet lors d’une visite en 2007 au Libéria. Elle a brièvement posé pour des photos maladroites avec l’oiseau, puis l’a remise à un assistant. Le gallinacé diplomatique n’est jamais allé à Berlin et a fini par vivre des jours tranquilles à l’ambassade d’Allemagne au Libéria. 

Le président bulgare Georgi Parvanov offre au président à George W. Bush, un chien de berger nommé Balkan en 2005. Évalué à 430 $ le chiot dépassait le montant limite des cadeaux pouvant être conservé par un Président , mais ne pouvait clairement pas être conservé dans un rayon ou une étagère des Archives Nationales comme d’autres cadeaux de valeur. En fin de compte, les Bush ont acheté le chien au Trésor américain comme le permettent les règles.

Le Président du Turkménistan, ou plus simplement Gurbanguly Berdymukhamedov, offre sur cette photo un Alabaï à Poutine en 2017. Offrir un cadeau empoisonné au maître du Kremlin est une mise en abîme audacieuse: le pauvre chiot fera bientôt 80 kilos ! Le dictateur fait ainsi bâtir en plein cœur de sa capitale un monument à son effigie, plaqué d’or massif en rotation sur lui-même, de telle sorte que l’édifice soit en permanence orienté vers le soleil. Véritable despote, c’est lui-même qui instaure au Turkménistan la notion de culte de la personnalité, avec une succession de réformes anti-démocratiques et adulatrices mises en place afin de renforcer son image de « père de la nation » avec contrôle de la presse et fermeture aux étrangers, juste après avoir d’immenses hôtes touristiques forcément déserts. Dès son élection, il fait repasser le permis de conduire à toutes les femmes du pays sans distinctions d’âges, estimant que ces dernières « ne savaient pas conduire ». En 2010, le président « bannit » la cigarette et la couleur noire du pays, qu’il déteste et fait donc stopper la production de voitures de cette couleur. Plus récemment, il met en place un nouveau décret interdisant aux hommes de plus de 40 ans de se teindre les cheveux afin de ne pas paraître plus jeune que lui. Il renomme les jours de la semaine ou les mois de l’année à son nom ou avec ceux des membres de sa famille, impose l’étude obligatoire dans les collèges, lycées et universités de son livre, le « Ruhnama », qu’il qualifie de « précepte au peuple », au même rang que la Bible ou le Coran. Réélu en 2017 avec 97% des voix, en toute transparence évidemment, puisque le bon peuple turkmène adore visiblement sa gestion autoritaire et ubuesque qui a ruiné le pays.

D’un fonctionnaire russe,  Poutine a reçu le fameux Labrador noir nommé Konnie dont le président russe a fait un usage diplomatique très particulier. Lors de pourparlers russo-allemands tenus à Sotchi en 2007, la chienne favorite du président russe est entré dans la salle, effrayant la chancelière allemande. Certains médias occidentaux écriront que Poutine l’avait fait exprès, étant parfaitement informé du traumatisme provoqué à Mme Merkel par la morsure d’un chien en 1995. Si nous avions l’esprit tordu et irrévérencieux, nous ferions remarquer à tous les chefs d’états, et les français les premiers, qui semblent avoir une propension à choisir des Labradors que leurs choix est judicieux et significatif, s’agissant de la principale race de chiens guides d’aveugles.

Mugabe, président du Zimbabwe, a reçu quatre chameaux en cadeau de Kadhafi exerçant la même honorable fonction de dictateur que lui mais en Lybie, mais n’en a pas été impressionné, affirmant plus tard que, alors que Kadhafi avait fait d’énormes investissements en Occident et avait pris l’engagement ferme d’investir en Afrique,  » nous l’avons vu offrir des chameaux et nous on en a obtenu quatre, qui sont à la ferme ».

Il est un cadeau qui n’est pas passé inaperçu surtout quand il a brillé par son absence, à savoir le chêne offert par Emmanuel Macron lors de sa visite d’Etat à Washington. Effectivement cinq jours plus tard des photographes remarquent que le présent est absent de la pelouse ! Si l’arbre a bien été planté par les deux présidents devant les photographes sur la pelouse sud de la Maison Blanche, le 23 avril 2018, il a été déterré quelques jours plus tard. Au motif justifié qu’il devait subir une période de quarantaine pour «au moins deux ans» comme toutes les plantes introduites aux USA; Rassurez vous, le chêne se porte comme une charme. Néanmoins, comme souvent avec Trump, le Président français a pris une pelle puisqu’il est reparti avec l’outil agricole, forcément plaqué or, qui porte trois bagues commémoratives, comme les stylos qui servent à signer les traités qui sont distribués aux protagonistes en guise de souvenirs.

Les familles royales du Vieux Continent, lorsqu’elles visitent le Nouveau Monde, se gardent d’inonder les roturiers, qui gouvernent à court terme leur ancienne colonie, de cadeaux bling-bling ; elles préfèrent leur accorder des autographes. Les Britanniques sont ainsi les champions des portraits dédicacés. La reine Elizabeth, le prince Philip, le prince Charles, le prince William et le prince Harry ont tous offert des portraits d’eux-mêmes encadrés et signés. Les familles royales d’Espagne et du Danemark ont fait de même. Comme l’indiquent les prix de vente ci-dessus, pour de simples photos non-encadrées, c’est en fait un très beau cadeau que vous pouvez en outre garder en quittant vos fonctions.

LES CADEAUX EMPOISONNES

« Lorsque Louis XIV envoie un nouvel ambassadeur à Istanbul, il prend garde à ne pas lui confier l’un de ses portraits qu’il offre aux monarques européens mais un sabre, par souci de l’interdiction islamique de reproduire les visages ». Cette attention à la culture de l’autre est d’ailleurs réciproque car un cadeau en appelle un autre, équivalent, en juste retour, selon la logique du « contre-don » pensée par Marcel Mauss. Mais que de gaffes diplomatiques pourtant !

Le bouton devait représenter un nouveau départ pour les relations diplomatiques entre les États-Unis et la Russie. Le bouton était censé dire « reset » en Russe. Sauf qu’à cause d’une mauvaise traduction, le bouton disait plutôt « overload », ou « surcharge ». Gros malaise. Tant que ce n’est pas PUT IN ( mettre dedans) 

Au même Bush, le président  Chirac a offert un cadeau, bien moins cher avec 822$ mais bien français, soit douze bouteilles de grands vins de Bordeaux, mais bien mal venu puisque George W. Bush est un ancien alcoolique totalement abstinent: très gros malaise! 

D’autres cadeaux diplomatiques ont pu être qualifiés de maladroits : ainsi, en 2012, David Cameron a offert à Barack Obama une table de tennis de table de marque Dunlop, la presse s’est aperçue du fait que, bien que de marque et de conception britannique, la table est fabriquée en Chine, illustrant la désindustrialisation du Royaume-Uni

Après avoir offert une boîte de ses DVD préférés au Premier ministre Gordon Brown illisibles à cause des blocages de zone entre DVD, Barack Obama a donné un iPod en cadeau à la reine d’Angleterre… rempli de mp3 de ses propres discours! On dirait que la reine n’est vraiment pas chanceuse avec ses cadeaux. Pour son mariage avec le beau Philip en 1947, elle a reçu 500 cannettes d’ananas de la part de l’Etat australien du Queensland! 

 À l’occasion du dîner d’État organisé le jeudi 6 avril au Grand Palais du peuple à Pékin, Emmanuel Macron a offert à Xi Jinping un vase en porcelaine de Sèvres « Ce cadeau mettra autant en lumière le savoir-faire français que les liens historiques qui unissent nos deux pays depuis plusieurs siècles », a déclaré l’Élysée, qui a commis une belle gaffe, que n’ont pourtant pas relevée les médias . La Manufacture Royale de Sèvres a été fondée après le vol du secret de la porcelaine en 1712 par le Père d’Entrecolles , un jésuite français implanté à Jingdezhen. Cette mission a pu être considérée par un historien comme Robert Finlay ou le criminologue Hedieh Nasheri comme un des premiers exemples d’« espionnage industriel »

Inutile de revenir sur l’affaire des diamants, offert par le grotesque et tyrannique Empereur Bokassa à VGE, cette affiche électorale customisée par ses opposants symbolise suffisamment à quel point elle a joué un rôle important dans son échec à être réélu.

Incompréhension fréquente au XVIe siècle:« Lorsque les Indiens offrent des coiffes de plumes, extrêmement précieuses pour eux, aux monarques européens, ceux-ci les trouvent profondément ridicules » cela reste d’actualité, visiblement.

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