Carnet de propagande Le Timbre Européen , circa 1954 , avec publicité Jaz à gauche . Le carnet de propagande s’inscrit à mi-chemin entre le carnet de timbres postaux à message publicitaire et ceux des timbres primes que de nombreuses enseignes proposaient jusque dans les années 70 .
Les carnets publicitaires comprenaient d’authentiques timbres postaux , alternant avec des messages pour les marques les plus diverses ; la publicité se prolongeait souvent dans les marges des timbres officiels , comme cette Tisane du Laboureur cernant des timbres rouges de 10 cts à la fameuse Semeuse gravée par Roty .
Les carnets de primes étaient les ancêtres du crédit à la consommation ; ils subsisteront jusque dans les années 70 . Le principe consistait à acheter , ou recevoir , un ou plusieurs timbres lors d’un achat , les accumuler sur l’année , les coller sur un carnet afin d’obtenir une « prime « . La dite prime était un objet à choisir sur catalogue . Cette petite digression est nécessaire pour les plus jeunes générations , qui ne peuvent connaître ce système , afin de comprendre ce que Paul Nicolas veut dire lorsqu’il précise que Jaz n’a jamais accepté que ses réveils soient des primes .
Enfin il y a le timbre de propagande : ce terme a été avili par les dictatures .
Mais les timbres de propagande servaient à l’origine de belles et grandes causes , comme le vaccin du BCG ou la lutte contre la tuberculose . Plutôt que de timbres , on devrait parler de vignettes car elles n’ont pas de valeurs faciales et ne peuvent donc permettre d’affranchir un courrier . Les jeunes générations auront du mal à comprendre que ces carnets s’achetaient – pas uniquement dans les bureaux de poste- pour soutenir une cause et qu’ensuite on pouvait les coller à côté d’un timbre officiel des Postes et Télécommunications afin de répandre un message , à une époque où l’on écrivait beaucoup .
Sur la page de gauche , le message est d’ailleurs clair : il ne suffit pas d’acheter ces « timbres » , il faut les diffuser en les collant sur des courriers ou autres supports . On notera que ceux -ci sont d’un type intermédiaire avec des bandes publicitaires pour un dentifrice .
Ce préambule historique était nécessaire pour comprendre ce qu’est ce carnet LE TIMBRE EUROPEEN et la présence d’un message publicitaire Jaz . Ce carnet ne comprenant aucune date , il faut donc l’analyser pour le contextualiser . La citation de l’écrivain suisse Denis de Rougemont , considéré comme l’un des grands penseurs pionniers de l’idée d’instituer un fédéralisme européen et l’un des principaux représentants du fédéralisme intégral , est une première piste , mais n’indique que le courant de pensée politique . Les plus curieux iront consulter les articles , très complets et savants , que le site Histoire et Philatélie consacre à la France dans la Construction Européenne .
La présence d’autres marques de dimensions européennes ne peut nous étonner mais ne permet pas de préciser une datation .
C’est ce rare document de 1954 , où l’on retrouve une des vignettes du carnet , qui va nous donner la solution . On voit bien ici , que pour expédier cette carte dite Premier Jour , il faut un timbre avec une valeur faciale de 4 LUF Francs Luxembourgeois , la vignette ne vient qu’en complément : on notera qu’elle reprend le vert du drapeau fédéraliste avec son grand E étiré , bien caractéristique .
En marge de la Foire Internationale de Luxembourg de 1954 avait lieu cette exposition philatélique sous l’égide de l’Union Fédéraliste qui organise une journée européenne , toujours au Luxembourg quelques mois plus tard .
La date de 1954 semble se préciser ; elle est totalement validée par le chiffre présenté par Jaz puisqu’il y a exactement 60 modèles de réveils et pendulettes au catalogue de 1954 ; il est le seul catalogue de cette période à afficher ce nombre précis . La présence de la publicité Jaz dans ce carnet , s’il ne faut pas la surinterpréter en adhésion politique , ne peut être totalement gratuite pour autant . Le fédéralisme européen prôné par ces vignettes s’opposait vivement aux confédéralistes , aux unionistes et aux souverainistes qui n’ont pas forcément apprécié le soutien publicitaire et donc financier de la marque au jaseur boréal à cette cause politique . Elle était celle de Paul -Henri Spaak , Jean Monnet , René Pleven et Robert Schuman , les pères de l’Europe telle que nous la connaissons , preuve que Jaz avait du flair et concrétisera d’ailleurs sa fibre européenne par l’accord de 1967 , dans le cadre du Marché commun , avec Peter Uhren qui est le premier accord de ce genre conclu à Bruxelles .
Le véritable Timbre Européen n’apparaît que deux ans plus tard , en 1956 , sous ce nom bien connu des philatélistes , l’ EUROPA . Le premier exemplaire représente une tour formée des lettres du mot « EUROPA », en construction puisque entourée par un échafaudage . Longtemps ces timbres représentaient un thème identique pour chaque pays membre qui le déclinait dans sa monnaie , avant que les émissions à motifs communs s’essoufflent , preuve que les timbres sont un écho assez fidèle de la société qui les emploie .
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